[ ZÉRO DÉCHET ] La consigne de verre s’implante en Ardèche

Publié le mar 10/12/2019 - 12:00

Depuis l’été, la Drôme-Ardèche applique la consigne pour les bouteilles de verre usagées. Plus écologique que le recyclage, économique, la filière du réemploi semble avoir de beaux jours devant elle. À l’instar de « Ma bouteille s’appelle reviens », une startup qui tente d’entraîner les producteurs de la région dans cette démarche.

Par Élodie Horn

Écologique, économique, favorisant l'emploi localement, la consigne a tout pour s'inscrire dans l'ère du temps. La Drôme-Ardèche regorgeant de producteurs de bières, de jus et de vin local, a réintroduit ce dispositif depuis l'été, afin de réutiliser les bouteilles en verre usagées. En parallèle, la consigne des bouteilles en plastique, présentée comme une mesure phare du projet de loi pour une économie circulaire, a été rejetée par le Sénat, bien que défendue par Brune Poirson, secrétaire d’État à la transition écologique.

Au centre de la boutique « Comme 3 pommes », une épicerie favorisant la vente de produits bios, locaux et de saison, quatre caissettes remplies de bouteilles de jus de fruits vides sont empilées. Estampillées du logo « Ma bouteille s'appelle reviens », ces casiers permettent de collecter les bouteilles consignées de la ferme Margerie. Cette dernière produit artisanalement, depuis plus de 35 ans dans le bâtiment jouxtant l'épicerie, des jus de fruits locaux à Portes-lès-Valence, dans la Drôme. Manuel Doucet et Vivien Lafite, les fondateurs de la Scop, connaissaient leurs produits et c'est tout naturellement qu'ils décident de s'installer à côté de la ferme pour assurer la vente directe des jus. Privilégiant le vrac, tout en proposant un espace de restauration de produits bios à des prix accessibles, les deux associés ont tout de suite accepté d'accompagner le retour de la consigne en Drôme-Ardèche en devenant un point de collecte. « Notre but est d'éviter les emballages et le gaspillage au maximum. Réimplanter la consigne, c'est tout simplement du bon sens. Lorsque nous avons été contactés par "Ma bouteille s'appelle reviens ", nous avons tout de suite adhéré », s'enthousiasme Manuel Doucet, qui a auparavant travaillé à « 3 ptits pois », une épicerie lyonnaise en vrac. Bien que le projet vienne de commencer, la collecte connaît déjà un franc succès auprès de leur clientèle qui ne reçoit, pour le moment, aucune rétribution. Une contrepartie que souhaitent mettre en place Clémence Richeux et Sylvain Riolo, les deux salariés du projet, dans un second temps.

Un dispositif tombé en désuétude

À terme, ils souhaitent aménager un espace extérieur pour faciliter la collecte, une des multiples problématiques à laquelle Clémence Richeux, cheffe de projet de « Ma bouteille s'appelle reviens », cherche des solutions. « Les magasins de producteurs et les magasins locaux sont tous très partants sur le territoire. La question qui se pose est d'avoir un espace de stockage suffisant pour pouvoir entreposer les bouteilles sales. On réfléchit à faire des zones de stockage tampon situées sur les secteurs qui comptent le plus de magasins », précise-t-elle. Accompagnée de Sylvain Riolo, chargé de la partie technique et logistique, ils ont imaginé ce projet de consigne alors que le dispositif a presque disparu en France depuis les années 80. Contrairement aux pays voisins, tels que l'Allemagne, l'Italie ou la Belgique, seuls quelques producteurs locaux ne l'avaient pas abandonné. De nouveaux projets émergent depuis quelques années, qui représentent un véritable intérêt au niveau environnemental, à certaines conditions. Selon une étude de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (l'Ademe), si le lavage des bouteilles se situe dans un cercle de collecte qui n'excède pas 1000 kilomètres, il permet d'économiser 75 % d'énergie primaire. Le territoire Drôme-Ardèche est tout indiqué puisque les producteurs sont situés dans un périmètre n'excédant pas les 150 km. Les différents projets en France se limitent généralement au lavage ou à l'animation de filière, tels que Bout' à Bout', en Pays de la Loire, qui organise un circuit de consigne mais ne lave pas en propre. « Au niveau du modèle, nous nous sommes inspirés de plusieurs projets que nous avons pu visiter. Pour "ma bouteille s'appelle reviens", nous avons choisi d'animer la filière et de laver en propre », détaille Clémence Richeux.

Un objectif de 1,5 million de bouteilles lavées par an

Leur laveuse venue d'Italie a été le premier investissement réalisé par l'association, qui a vocation à devenir une Scic en 2020, à hauteur de 80 000€. Pour débuter, ils ont pu compter sur le soutien de la brasserie Pleine Lune, qui depuis 8 ans produit sa bière, à Chabeuil, dans la Drôme. Benoît Ritzenthaler, fondateur de la brasserie, fait partie du projet de consigne, tout en leur sous-louant une partie de son local. Dans le hangar de la brasserie, face à leur machine où sont embouteillées 3 000 hectolitres de bières par an, se dresse désormais la laveuse où sont aussi bien nettoyées leurs bouteilles, que celles des 13 autres producteurs de jus, de vin et de bières déjà engagés. Les bouteilles récoltées sont d'abord placées sur la zone de chargement où un tapis roulant les mène jusqu'à la laveuse. Les bouteilles sont ensuite séchées avant d'être acheminées devant la mireuse, un écran lumineux qui permet de vérifier que les bouteilles sont correctement lavées et ne sont pas ébréchées. Elles sont ensuite remises dans les caisses avant d'être chargées dans la camionnette de l'équipe, elle aussi floquée « Ma bouteille s'appelle reviens ». « 2 500 bouteilles peuvent être lavées par heure, ce qui nous permettra amplement d'atteindre l'objectif fixé à 1,5 million de bouteilles lavées par an, soit 10 % de ce qui est consommé localement », précise Clémence Richeux. En atteignant ce volume, « Ma bouteille s'appelle reviens » pourra commencer à être rentable, un seuil qu'ils prévoient d'atteindre en 2022. Pour y parvenir, 64 producteurs doivent être prêts à s'engager dans ce projet, sur des volumes importants. En attendant, « Ma bouteille s'appelle reviens » a pu se mettre en route grâce à des aides de l’État, de l'Europe, des collectivités, mais aussi de l'Ademe puisqu'ils avaient été finalistes de l'appel « Mon projet pour la planète ».

7 à 10 emplois créés

En s'engageant, les producteurs approuvent une convention qui prévoit qu'ils utiliseront un des six formats de bouteilles identifiés. Le logo « consigne » sera par ailleurs apposé sur chacune de leur étiquette. Pour faciliter leur décollage au lavage, une colle hydrosoluble qui s'enlève à l'eau chaude est employée. Pour les producteurs, l'intérêt économique qui consiste ensuite à racheter des bouteilles relavées plutôt que neuves existe, bien que l'étude de marché réalisée en amont révèle qu'il est difficile de descendre à un prix vraiment avantageux. « Sur le rachat de bouteilles déjà utilisées par les producteurs, il y a une petite économie de réalisée, mais pas tant. L'objectif, c'est vraiment que ce soit un outil de fidélisation de la clientèle et une valorisation de leur démarche environnementale », ajoute Clémence Richeux. De plus, la silice, le sable qui permet de fabriquer les bouteilles connaît une grosse pression, ce qui entraîne une augmentation du prix du verre qui a une incidence sur le tarif des bouteilles chaque année. Comme il n'y a que trois verriers en France, les petits producteurs peuvent aussi avoir du mal à s'approvisionner, une problématique à laquelle la consigne répond. Pour le démarrage, deux personnes en insertion sont recrutées pour occuper des postes de collecte, de tri et de lavage. En fonction de la montée en charge de l'entreprise, il est prévu chaque année, que deux à trois personnes les rejoignent, ce qui pourrait permettre de créer, à terme, sept à dix emplois localement.

Plus d'infos

www.ma-bouteille.org

startupdeterritoire.fr

www.zerowastefrance.org

www.ademe.fr

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