[THEMA] ENR : Objectif MASSIFICATION ?

Publié le lun 02/05/2022 - 12:00

Par Quentin Zinzius

Avec ou sans nucléaire, les énergies renouvelables ont leur place dans notre mix énergétique. Elles devraient en effet représenter entre 50 % et 100 % de notre électricité d’ici 2050, suivant les différents scénarios envisagés. Mais pour cela, elles vont devoir se développer à un rythme encore jamais égalé, alors que la demande mondiale en matières premières explose.

Voilà 20 ans qu’elles s’y préparent. Après de nombreuses années de recherches, de progrès technologiques, de développement sur le terrain, les énergies renouvelables devraient entrer dans une nouvelle ère : celle de la massification. Pour 2050 en France, la puissance installée va devoir passer de 60 GW, à plus de 150 GW ; et c’est un minimum : pour couvrir 100 % de nos consommations estimées, elles devront passer la barre des 370 GW. Alors un tel déploiement est-il seulement possible ? Pour les professionnels du secteur, cela ne fait aucun doute : « La massification de la production d’énergies renouvelables est, au côté de la réduction de la consommation, la meilleure réponse possible pour éviter une crise de l’énergie», estime Michel Gioria, président de l’association France énergie éolienne (FEE).

L’éolien devant

Fer de lance de cette massification, les éoliennes – terrestres comme en mer – devront couvrir entre 20 et 50 % de la production totale d’électricité d’ici 2050. Soit entre 60 et 140 GW de puissance installée. Un objectif ambitieux, justifié par les nombreux progrès du secteur : « Les éoliennes de dernières générations deviennent aussi compétitives que le nucléaire », atteste Michel Gioria, avec un prix du kWh autour de 60€. Le président Macron a d’ailleurs annoncé, début février, un objectif de création de 50 parcs éoliens en mer d’ici 2050, pour un équivalent de 40 GW, en parallèle des nouveaux réacteurs EPR. Mais pour l’heure, la France est en retard : l’éolien ne représente, en 2021, que 6,3 % de sa production électrique pour un peu plus de 18 GW installées.

Les panneaux derrière

Côté solaire, les temps changent. Longtemps victime d’une faible rentabilité, la technologie photovoltaïque s’est grandement améliorée, divisant ses besoins en matière première par panneau par 4 en 15 ans(1). Les coûts de production ont également beaucoup diminué, avec un prix aujourd’hui compris entre 45 et 104€ du MWh, en fonction du type d’installation (toiture ou au sol) et du taux d’ensoleillement. Pour l’heure, le solaire photovoltaïque représente seulement 2,6 % de la production française d’électricité avec 19 GW installés ; mais plus pour longtemps. Selon l’un des scénarios de RTE(2), le solaire pourrait représenter 30 % de la production totale d’électricité. À condition toutefois, de multiplier par 22 le parc existant ! Un premier palier de 100 GW a ainsi déjà été annoncé par le président Macron, pour 2050.

Les oubliées

Solaire et éolien ne seront cependant pas les seules énergies renouvelables à s’imposer dans le mix énergétique, bien au contraire. En effet, la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) française prévoit également une importante croissance pour le secteur de la biomasse (+50 %), qui deviendrait, en 2050, la seconde source d’énergie renouvelable derrière l’éolien. Comptabilisée en tant qu’énergie productrice de chaleur, au côté du biogaz et de l’hydrogène, la biomasse tient une place importante dans la production d’énergie primaire (chaleur + électricité). Principalement issue de l’exploitation forestière, mais aussi de l’agriculture et des déchets « verts » (bois, agriculture, restauration et même pêche), cette biomasse sert au chauffage individuel (7,4 millions de ménages en 2013 selon l’Ademe) et à l’industrie. En remplaçant le thermique carboné (chaudière fioul et gaz notamment), elle pourrait peser pour 20 à 30 % du mix énergétique en 2050.

Ressources limitées

Mais pour Maxence Cordiez, ingénieur dans l’énergie, ces développements exponentiels vont se heurter à une contrainte : la disponibilité des matières premières. Silicium, lithium, cuivre ou même bois… Toutes sont soumises à une forte demande internationale, et leur exploitation implique toujours un impact environnemental. « La demande en métaux rares par exemple, risque de rester nettement supérieure à l’offre jusqu’à la fin de la décennie », prévient l’ingénieur. En cause, une industrie minière limitée, et très longue à mettre en place : de l’exploration à l’ouverture d’une mine, il faut compter une dizaine d’années. En d’autres termes, nous n’aurons pas suffisamment de ressources pour combler tous les besoins des ENR qui se déploient à l’échelle mondiale. En Europe, ce manque de matières premières commence à être pris au sérieux. En France notamment, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, a annoncé début février l’ouverture d’une mine de lithium, qui pourrait couvrir « 10 à 30 % des besoins européens en minerai ». « C’est un peu paradoxal, mais je pense que c’est une bonne chose, estime Loïs Mallet, directeur de l’institut Momentum, car il faut que les gens voient ce que coûte réellement l’énergie ». Il continue : Aujourd’hui ce n’est qu’un flux invisible, demain, ce seront des mines de métaux en France, des industries lourdes pour les traiter et les transformer… avec toutes les pollutions associées ». Et une acceptation sociale pour le moins incertaine. Si aucune énergie n'est produite sans impact, en pleine urgence climatique et énergétique, le tout est donc de ne pas déclencher de nouvelles crises écologiques et sociales...

 

(1)https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Plan%20ressources%20Ph…

(2) Gestionnaire du réseau de transport d’électricité

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