JEAN REYNAUD, LES AMIS DE LA TERRE : "LES DÉCISIONS DU TRIBUNAL ET DU PRÉFET CONCERNANT GARDANNE SONT PEUT-ÊTRE POLITIQUES"

Publié le ven 16/06/2017 - 12:30

Le 8 juin dernier, le tribunal administratif de Marseille a pris la décision d’annuler l’autorisation d’exploitation de la centrale biomasse de Gardanne (13), délivrée en 2012. UNIPER, fournisseur et producteur d’énergie allemand, est à l’origine du projet de conversion d’une unité de l'actuelle centrale à charbon à la biomasse. La raison de la décision du tribunal administratif ? La justice a fait valoir que l’étude d’impact réalisée était « entachée d’insuffisance », ce qui pouvait « nuire à l’information complète de la population ». Il est notamment estimé que cette étude « ne comporte aucune analyse des incidences des prélèvements de bois nécessaires au fonctionnement de la centrale sur les sites et les paysages, et sur les milieux naturels et les équilibres biologiques ». Le 9 juin, UNIPER a décidé de faire appel de cette décision. Devant, à terme, engloutir 850 000 tonnes de combustible par an, dont 420 000 de bois local, la centrale biomasse de Gardanne devait être la plus importante de France. Elle est à ce titre fortement controversée. Jean Reynaud est co-président de l’antenne des Bouches-du-Rhône (13) des Amis de la Terre. L'association fait partie des acteurs (associations, élus locaux, parcs naturels régionaux) qui ont déposé un recours au tribunal administratif, ayant abouti à la décision du 8 juin. Il se demande si la décision du préfet d'offrir un délai de 9 mois à UNIPER pour régulariser la situation n'est pas « politique ». Interview.

Le tribunal administratif de Marseille vient d’annuler l’autorisation d’exploiter de la centrale biomasse de Gardanne. Comment recevez-vous ce résultat ?

C’est un entre-deux. Le tribunal administratif a mis fin à l’autorisation, mais, d’un autre côté, le préfet a pris un arrêté de mise en demeure auprès d’UNIPER, qui a neuf mois pour régulariser sa situation. Cela veut dire qu’il leur est permis de continuer de fonctionner pendant au moins neuf mois, alors que le tribunal administratif a annulé l’autorisation. Nous trouvons ça choquant. Nous nous demandons aussi si le tribunal administratif et le préfet n’ont pas agi ainsi au vu des circonstances politiques. Aujourd’hui, Nicolas Hulot est ministre de la Transition Écologique et Solidaire, et sa position n’est pas favorable au projet. La question que nous nous posons, c’est si cette décision était politique : nous pensons qu’ils ont voulu donner un avis défavorable au projet, tout en donnant indirectement la possibilité à UNIPER de continuer ses activités. Dans cette affaire, ce qui est aussi choquant, c’est l’absence de dialogue du préfet vis-à-vis des requérants, c’est-à-dire nous, les élus et associations qui nous sommes mobilisés.

Uniper a prévu de faire appel… Que comptez-vous faire ?

En aucun cas nous n’envisageons d’abandonner. L’ennui, c’est qu’en appel, nous allons devoir payer un avocat, c’est obligatoire. C’est un moyen pour eux d’épuiser nos forces. Mais nous n’allons pas abandonner, pour plusieurs raisons. La raison principale, c’est la protection de notre environnement, et celle de l’homme. La centrale biomasse de Gardanne fait polémique d’abord pour une question de pollution de l’air. Et la deuxième raison, c’est la déforestation. UNIPER a pour projet d’aller chercher du bois dans un rayon de 400 km autour de Gardanne, et de faire des coupes rases. C’est-à-dire qu’au lieu de protéger la forêt en coupant les arbres de manière sélective, ils entendent faire des coupes totales, ce qui favorisera les écoulements et la désertification de certains secteurs. Tout cela aura un impact important sur la faune, la flore, et les équilibres. La question qui se pose, dans ce projet, c’est un véritable choix de société. Devons-nous continuer à consommer de plus en plus de ressources naturelles pour satisfaire nos besoins immédiats, ou devons-nous préserver notre Terre pour les générations futures ?

Si le projet est arrêté, pensez-vous vous mobiliser contre les centrales biomasses de Brignoles et de Pierrelatte ?

Nous n’avons pas les moyens suffisants en termes de militants pour pouvoir nous attaquer à tous les projets. Gardanne est le plus symptomatique, et celui de Brignoles est bien inférieur en terme de taille. Et pour Pierrelattes, nous n’avons pas été contactés par des opposants du territoire. Notre point de vue, c’est que nous ne faisons rien si les locaux – les citoyens, les élus et les associations – ne se mobilisent pas. À Gardanne, il y avait des actions menées. Les citoyens, les collectivités locales, les parcs régionaux du Lubéron et du Verdon se sont mobilisés, et les associations aussi, notamment la CEPG (Convergence Écologique du Pays de Gardanne). Ils ont préparé le recours au tribunal administratif avec nous. Aux Amis de la Terre, nous les avons aidés à s’organiser, particulièrement sur le plan juridique. Dans la procédure administrative, il faut déposer le recours avant une date limite, alors nous les avons soutenus dans cette démarche, car nous sommes habitué à gérer ce genre de situation.

 

Plus d'infos : www.amisdelaterre.org

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