[BIODÉCHETS] :Les Détritivores à l’assaut des déchets alimentaires

Publié le ven 10/01/2020 - 07:05

Par Alice Mariette

Limiter l’impact des déchets alimentaires dans la restauration, c’est le défi relevé par les Détritivores. Le credo de cette jeune entreprise lyonnaise ? Collecter, composter les biodéchets et leur trouver une nouvelle vie, comme servir de compost pour verdir les ronds-points.

Collecter, composter, valoriser. Ainsi pourrait se résumer la mission des Détritivores Lyon. Chaque jour, ils récoltent les biodéchets et huiles alimentaires de quelque 50 professionnels de la restauration lyonnaise. L’objectif : les revaloriser en un compost 100 % naturel.

Dans un local en bois qui sent bon la forêt, Gaétan Lepoutre, à l’origine des Détritivores Lyon, est fier de montrer la matière qui sort tout juste de son nouveau composteur électromécanique, inauguré en juillet dernier. « C’est formidable le compost ! », lance-t-il. Cette cabane de quelques mètres carrés abrite la deuxième plateforme de compostage de la jeune entreprise sociale, qui s’est lancée dans le compostage de proximité des biodéchets de restaurants à l’été 2018. « Les déchets alimentaires représentent un tiers de nos poubelles et dans les métiers de la restauration c’est plutôt la moitié, explique-t-il. Ces déchets sont constitués d’eau et de plein de choses bonnes pour la terre. Donc, quand c’est envoyé en incinérateur, on brûle de l’eau… On voulait contrer cette aberration écologique et économique. »

C’est avec son ami de longue date, Vincent Dujardin, que Gaétan a décidé de miser sur  le compostage des déchets organiques des professionnels de la restauration. L’initiative existait déjà à Bordeaux depuis 2015, mais pas à Lyon. « Nous avions la volonté de faire quelque chose d’utile, nous étions en lien avec Les Détritivores Bordeaux et nous voulions aussi créer une activité porteuse d’emplois », raconte le jeune entrepreneur. Après avoir passé plusieurs mois à mûrir le projet, ils déposent les statuts d’une société par actions simplifiée (SAS) en avril 2018, dans laquelle ils sont tous deux actionnaires, ainsi que la structure Émerjean - Territoire Zéro Chômeur de Villeurbanne. Par ce partenariat, ils s’engagent à proposer des emplois pérennes, accessibles aux personnes en difficultés sociales et éloignées du marché du travail.

« Le pari était de montrer que le compostage à grande échelle en ville, c’est possible, détaille Gaétan. Tout en proposant une solution locale et valorisante pour que les restaurateurs s’acquittent de leurs obligations légales. » Effectivement, la loi Grenelle II impose depuis le 1er janvier 2016 aux producteurs de plus de 10 tonnes de biodéchets par an de mettre en place un tri à la source en vue d’une « valorisation biologique ». « À partir d’environ 300 repas jours, c’est une obligation, donc cela va très vite », ajoute-t-il.

Un projet à forte valeur ajoutée

Forts de connaissances glanées auprès des Détritivores Bordeaux et dans la littérature, les deux amis ont inauguré leur première plateforme de compostage traditionnelle sur une friche du quartier Saint-Jean à Villeurbanne en juin 2018. Un an plus tard, ils ont décidé de passer à la vitesse supérieure en ouvrant un deuxième site avec un composteur électromécanique, dans le quartier de la Soie, toujours à Villeurbanne. Ainsi, tous les matins, des « collecteurs – composteurs » se rendent dans une cinquantaine de restaurants, cantines et traiteurs du secteur pour récupérer leurs déchets de cuisine et de table : épluchures, viande, poisson, nourriture présentée, mais non consommée, huile alimentaire… tous les biodéchets peuvent être compostés.

Sur la plateforme traditionnelle, plus de 200 tonnes de déchets sont traités annuellement. Chaque jour, cinq personnes s’y affairent pour trier manuellement la matière récoltée. « Ensuite, nous devons la broyer pour que la décomposition soit facilitée et que la transformation monte bien en température, puis on mélange avec du broyât de bois en quantité égale », explique Jérémie Chauviray, chargé d’exploitation, avant de prendre le volant de son tracteur en vue de déplacer ce mélange dans une première cellule de 12m3. D’ici trois semaines, il sera transféré à nouveau dans le bac voisin, celui de fermentation, puis dans le suivant de maturation, pour finir par le dernier qui accueille le compost mûr.

Compostage industriel novateur  

À quelques kilomètres de là, dans le local abritant la deuxième plateforme de compostage, plus moderne, mais aussi plus petite, Arthur Cabaret se prépare pour sa collecte à vélo. Il est le seul responsable d’exploitation du site, car ce composteur électromécanique n’a la capacité de traiter que 30 tonnes de déchets annuellement. Cette nouvelle machine cylindrique est en fait une sorte de gros tube digestif dont la technologie permet considérablement d’accélérer le compostage. Toutes les heures et demie, des palles assurent le retournement de la matière, évitant ainsi plusieurs heures de manutention. « Sur une plate-forme rustique, le processus prend huit semaines, ici on a le même résultat en quatre fois moins de temps », se félicite Arthur. Avec cet outil, mis en place grâce à un partenariat avec l’entreprise parisienne Les Alchimistes, l’équipe veut montrer qu’il est possible de composter en ville sans que cela ne soit trop consommateur de mètres carrés et en maitrisant les nuisances sonores et olfactives.

En enfourchant son vélo, Arthur confie apprécier le contact humain de la collecte à vélo.  Tous les matins, il se rend dans les restaurants, cantines et traiteurs partenaires dans un rayon d’un kilomètre. À chaque arrêt, ils troquent ses bacs vides contre des bacs pleins de biodéchets. Puis, de retour dans le local une ou deux heures plus tard, il pèse et tri chaque bac pour nourrir le composteur électromécanique.

Du compost pour tous

Planter des arbres, verdir les ronds-points, créer des espaces verts aux pieds des immeubles… Gaétan et Vincent souhaitent avant tout que leur compost permette de « végétaliser les villes ». « En général, les terres sont mauvaises en milieu urbain, mais si l’on rajoute suffisamment de compost, on peut la faire revivre et la rendre utile », estime Gaétan. D’ailleurs, Géraldine Walter, responsable de Rendez-vous au potager, dont l’objectif est de créer et d’animer des potagers collaboratifs, a réussi à « boucler la boucle » à la Cité Scolaire Elie-Vignal à Caluire-et-Cuire. Pour le potager qu’elle réalise dans cette structure dédiée aux élèves malades ou en situation de handicap, elle utilise le compost des Détritivores, alors qu’ils assurent la collecte des déchets de la cantine de l’établissement. « Ça me tenait à cœur d’utiliser ce compost, ça avait du sens et ça m’a permis de sensibiliser les élèves », raconte-t-elle. Le compost est aussi vendu en direct à des particuliers et en vrac chez Mamie Marie, une épicerie zéro déchet de Lyon à 1,80 €/kg et il pourrait être disponible bientôt en jardinerie.

Les Détritivores font actuellement partie des quelques acteurs lyonnais à proposer ce service, pour un potentiel de récolte allant de 200 000 à 300 000 tonnes par an sur toute l’agglomération, selon les estimations d'Andréa Ferry, responsable développement. « Mais ce chiffre ne prend probablement pas en compte l'ensemble des professionnels, c’est très difficile à calculer », précise-t-elle toutefois. Pour l’avenir, l’équipe envisage un composteur de taille supérieure, pouvant traiter jusqu’à 700 tonnes de déchets. Dans cette deuxième phase, il espère pouvoir développer un maillage dans la métropole et accompagner des porteurs de projets ailleurs dans la région.

Plus d’infos :

https://les-detritivores.org/

http://alchimistes.co/

https://emerjean.fr/

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