[TINY HOUSE] Pour vivre heureux, vivons petit !

Publié le mar 08/12/2020 - 13:00

La tiny house de Camille et Adrien est installée sur leur terrain privé, près d’une maison en cours de restauration. Crédit : Marie Albessard 

Par Marie Albessard

En France, on compterait environ un millier de tiny houses, ces micromaisons nomades à faible impact. Reportage chez Camille, Adrien, Sébastien et bientôt Damien, ces « tinyistes » rhônalpins qui ont choisi de vivre dans plus petit… pour gagner en liberté.

« Le confinement ? On ne l’a même pas senti ! » s’exclame Camille Annede. Il faut dire que dans le Beaujolais, près de Lyon, les paysages verdoyants et les villages des pierres dorées font oublier tous les soucis. Camille et Adrien, ingénieurs, ont élu domicile avec leurs deux enfants dans une jolie maison de bois de… 15m². C’est une tiny house, ces micromaisons nomades à faible impact environnemental. À l’intérieur, une cuisine équipée, une salle de bain, un salon et deux espaces nuit en mezzanines.
Avec la crise sanitaire, les Français sont de plus en plus nombreux à questionner leur mode de vie. « À l’heure où l’on pense la maison de demain, la tiny house fait partie des solutions », indique Lars Herbillon, trésorier du collectif Tiny House (12 000 membres sur Facebook). Les demandes explosent avec, pour principales motivations, la diminution de leur impact environnemental et de leurs possessions matérielles. C’est le cas de Damien Le Thiec, lyonnais de 28 ans, directeur technique d’une entreprise d’alimentation bio. Comme beaucoup d’autres, son envie de se « reconnecter à la nature » suppose de la respecter : « Je ne veux pas être un acteur du déséquilibre ! Je veux que mon logement se fonde dans le paysage » indique-t-il, lui qui ambitionne 14 m² à la montagne. Le cercle vertueux commence dès la construction, avec une attention portée à la qualité et à la provenance des matériaux. « Une tiny est fabriquée avec des matériaux naturels et sans fondations au sol, ce qui permet de préserver le terrain », ajoute-t-il.

Un moindre impact

« Une minorité de tiny est autonome mais il y en a de plus en plus, indique Lars Herbillon. Néanmoins, toutes tendent vers l’autonomie car cela permet une plus grande mobilité. » Ainsi, la quasi-totalité sont équipées de toilettes sèches. Des panneaux solaires installés sur le toit permettent de produire son électricité. « Le plus compliqué à mettre en place finalement c’est l’autonomie en eau car cela nécessite de récupérer l’eau de pluie et d’avoir un système de filtrations et de traitement des eaux grises » ajoute-t-il. Avantage : avec une si petite surface, la consommation d’énergie est faible. « Mes panneaux solaires me permettent d’être autonome 8 à 9 mois dans l’année et j’ai besoin d’une bouteille de gaz tous les trois mois », indique Sébastien Chion, ancien backpacker en tiny house. Ceux qui ne sont pas dans ce cas de figure doivent installer un raccordement électrique et d’eau avec compteurs séparés sur le terrain sur lequel ils s’installent.

Liberté

La vie en tiny s’accorde au mode de vie minimaliste de Sébastien. Pour beaucoup, c’est l’application concrète d’une vie sans superflu, une forme de résistance au consumérisme ambiant.
« On s’en rend compte avec des enfants ; on n’a pas besoin de tout ce qu’on veut nous vendre ! affirment Camille et Adrien. Les nôtres jouent avec leurs jouets une fois par semaine et passent leur temps à l’extérieur ». Damien aspire lui aussi à « plus de sobriété matérielle ». Car un mot revient dans la bouche de tous : liberté. Outre le nomadisme que la tiny house permet, on retrouve toute une symbolique de vie « sans attache » : demeurer sans fondations, partir comme on est venu, s’encombrer de peu… Sébastien, qui a construit sa tiny à l’arrière d’un camion, s’enthousiasme : « Il me faut 20 minutes pour remettre ma maison en état de rouler et partir ». Savoir que l’on peut tailler la route, sans forcément même le faire. L’aspect financier participe largement à cette liberté. Sébastien, graphiste et écrivain, souhaitait « ne plus avoir de loyer, moins besoin d’argent et donc moins besoin de travailler ». Il a auto-construit sa tiny autonome pour 8000€, en plus de son camion (2500 €). Damien, lui, fait construire sa maison autonome pour environ 70 000 €. Un prix intéressant dans une région où l’accès à la propriété est compliqué et onéreux autour des grandes villes. Reste que la tiny ne s’adapte pas sans fin aux changements de la vie : on retrouve des personnes vivant seules, en couple ou en famille avec des enfants en bas âge. Mais difficile d’y imaginer une vie de famille nombreuse ou avec de grands enfants.

Des freins légaux

Mais l’enthousiasme des aspirants tinyistes est souvent sapé par des raisons terre à terre. Par méconnaissance et peut-être aussi par méfiance, beaucoup de municipalités s’opposent à l’installation des micromaisons sur leur commune. Trouver un terrain peut relever de la quête du Saint-Graal, surtout autour des villes. « Beaucoup abandonnent car la recherche s’avère trop compliquée » indique Lars Herbillon. Camille et Adrien en font les frais : après un bras de fer avec leur mairie, cette dernière les prie de quitter leur tiny house pour non-respect du PLU, malgré sa présence sur leur terrain privé. L’association ardéchoise Hameaux légers sensibilise les maires pour favoriser l’accueil des habitats réversibles (tiny, yourte, maison biodégradable etc.) Car la tiny house, du fait de son petit prix, du nombre croissant de fabricants et de soutiens pour l’auto construction (guides en open sources, échange d’expériences, chantiers collectifs…) est une option peu impactante à portée de tous. Reste que le contexte légal et les municipalités doivent s’ouvrir à ces nouveaux habitants.
« Ils peuvent répondre aux problématiques des communes rurales : enjeux démographiques, éviter la fermeture d’écoles et administrations, redonner une vitalité économique et sociale…» détaille Xavier Gisserot, coordinateur d’Hameaux légers. Avec un enjeu social d’importance, selon Camille : « Les tiny houses pourraient permettre de désengorger les villes, tout en offrant un mode de vie plus écolo et plus proche de la nature ».

Plus d’infos
www.hameaux-legers.org
Sur Facebook : Collectif Tiny House

La tiny dans la loi

« La tiny est un ovni dans le code de l’urbanisme », prévient Xavier Gisserot d’Hameaux légers. Elle peut être considérée comme une caravane ou comme une résidence démontable constituant l’habitat permanent de ses utilisateurs. Selon la loi, ce dernier cas permet de s’installer sur les terrains constructibles de droit commun ou sur des STECAL (secteurs de taille et de capacité d’accueil limités), qui sont des dérogations au principe de non-constructibilité de zones agricoles ou naturelles. « La mairie, dans son document d’urbanisme, peut délimiter des pastilles autorisant certaines installations. La loi ALUR a créé la possibilité d’installer des résidences démontables constituant un habitat permanent dans un STECAL. On peut ensuite solliciter une déclaration préalable ou un permis d’aménager, indique encore Xavier Gisserot. Cette option permet d’être domicilié de façon permanente de façon illimitée, mais elle est très méconnue des maires ». La preuve : une dizaine de STECAL pour habitat démontable existe en France. Si la tiny est considérée comme une caravane, elle peut être stationnée 3 mois. « Au-delà, il faut une autorisation de la commune. Cela entretient une précarité car c’est toujours limité dans le temps et l’utilisateur reste à la merci du moindre changement de maire par exemple » précise Xavier Gisserot.

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