[DOSSIER] : 5G, un désastre de nouvelle génération

Publié le jeu 22/10/2020 - 07:31

Crédit : pixabay

Par Nicolas Bérard

Après la 2G, la 3G et la 4G, il aurait pu paraître naturel de passer à un réseau de communication sans fil de cinquième génération. Pourtant, une résistance citoyenne est en train de se constituer face à cette technologie 5G. En cause : les risques sanitaires, écologiques et la société hyperconnectée qui l’accompagnent.

 

« Être en retard sur la 5G n'est pas une option », mentionne la « feuille de route »[1] que s'est fixée la France au sujet du réseau mobile de cinquième génération. Aucune place au doute : il faut le déployer, et le plus tôt sera le mieux ! Malgré un léger contretemps dû à la crise du coronavirus, l'État espère toujours une commercialisation des premiers abonnements 5G avant la fin de l'année. Pourtant, deux ans après la publication de cette feuille de route, de plus en plus de citoyen·nes s'interrogent : en a-t-on réellement besoin ? En a-t-on envie ? Est-ce soutenable sur le plan environnemental ? Des associations dénoncent l'absence d'études d'impact qui permettraient de répondre à cette dernière question. Elles ont donc déposé un recours devant le conseil d'État afin d'exiger qu'elles soient menées avant le lancement du programme (lire ITW Kerckhove en article lié).

Les réseaux de téléphonie mobile ont toujours suscité une certaine opposition, principalement au départ, en raison des questions sanitaires qu'ils soulèvent. Pour tenter d'éteindre cette polémique, l'industrie met en avant l'existence de normes encadrant les émissions. Mais ces normes ne rassurent pas les connaisseurs du dossier, et pour cause : elles ont été fixées par l'industrie elle-même et ne protègent le public que des effets immédiats, mais pas de ceux qui pourraient apparaître sur le long terme (lire article lié : Les normes anormales de l'Icnirp). Or, selon certaines associations (Robin des toits, Alerte Phonegate, Priartem, Agir pour l'environnement…), qui s'appuient sur des recherches scientifiques[2], les ondes électromagnétiques utilisées pour établir les communications sans fil ont bel et bien des effets nocifs. De récentes études semblent d'ailleurs confirmer qu'il existe un effet cancérogène. L'une des dernières et des plus importantes a été publiée en 2018 par le National Toxicology Program (NTP), principale agence de santé états-unienne. Effectuée sur 1200 rats, durant dix ans, avec un budget de 25 millions de dollars[3], elle conclut qu'il existe « une preuve évidente d’un risque de cancérogénicité́ associé aux champs électromagnétiques radiofréquences ».

Parallèlement, les témoignages de personnes déclarant que ces ondes les font souffrir (migraines, insomnies, douleurs cardiaques…) se multiplient. Certaines d'entre-elles, dites électrohypersensibles, ne les supportent tout simplement plus, et partent à la recherche de zones blanches – zones exemptes d'ondes –, souvent dans des endroits très reculés, en pleine forêt par exemple.

Un brouillard électromagnétique de plus en plus épais

Or, si elle est mise en service, la 5G épaissirait considérablement le « brouillard électromagnétique ». En effet, ce réseau n'entraînerait pas la disparition des réseaux existants (2G, 3G et 4G), mais s'y ajouterait. Son fonctionnement se traduirait donc par une couche supplémentaire de pollution électromagnétique. En outre, la technologie 5G, qui utilise des fréquences beaucoup plus élevées, nécessite un nombre d'antennes extravagant. En milieu urbain, les promoteurs prévoient d'installer de petites antennes absolument partout : jusqu'à une antenne tous les 100 mètres !

Car le réseau 5G marque une rupture avec ses prédécesseurs. Ces derniers, en effet, avaient pour mission quasi-exclusive de faire fonctionner les téléphones portables puis les smartphones. La 5G a un champ d'action beaucoup plus vaste : elle doit permettre la connexion de tous les objets qui nous entourent, ou presque, comme les fours, les frigos, les montres, les radiateurs, ou même les oreillers ! Si l'industrie parvient à ses fins, la planète pourrait ainsi compter quelque 75 milliards d'objets connectés en fonctionnement dans à peine 5 ans[4]. Et il faudra y ajouter les réseaux (d'électricité, d'eau…), les caméras de vidéo-surveillance, sans doute les voitures autonomes et les drones etc. Ce nouveau réseau a en fait été pensé pour nous faire basculer dans le « smart-world » – le monde (prétendument) intelligent – et ses smart-cities5 .

Autant d’arguments qui expliquent pourquoi le niveau de défiance vis-à-vis de la 5G est beaucoup plus important que pour les réseaux précédents : cette technologie sert de support à un véritable projet de société, dans laquelle tout serait connecté à tout. Or, les conséquences de ce modèle n'ont rien d'anecdotiques, sur le plan de la santé, des libertés individuelles, des dépenses énergétiques et, plus globalement, du coût écologique d'une telle opération.

La Convention citoyenne réclamait un moratoire

Ce coût écologique, personne ne l'a encore évalué dans sa globalité, mais une certitude existe : il serait très, très élevé. Outre l'électricité nécessaire à son fonctionnement (2 à 3 fois plus que pour les réseaux précédents6), sa mise en service entraînerait par exemple un renouvellement très important de la flotte de smartphones. On compte environ 50 millions de ces petits appareils en France, et plus de 3 milliards au niveau mondial. Or leur fabrication nécessite une grande quantité d'énergie, l'extraction de métaux rares comme le cobalt dans des conditions parfois proches de l'esclavage7 et la mise au rebut des smartphones actuels, dont seule une infime partie serait recyclée. Et puisque le monde de la 5G se compose de milliards d'objets connectés, le même schéma se répliquerait pour les fours, les frigos, les montres, les enceintes, etc.

La Convention citoyenne pour le climat, qui réunissait 150 citoyen·nes tirés au sort pour faire des propositions au gouvernement, ne s'y est d'ailleurs pas trompée. Proposant de « sortir de l'innovation pour l'innovation », elle a demandé d' « instaurer un moratoire sur la mise en place de la 5G en attendant les résultats de l’évaluation de la 5G sur la santé et le climat ». Quelques jours plus tard, Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, confirmait que les enchères sur les attributions de fréquences se tiendraient bien à la fin du mois de septembre. Mais associations et collectifs n'ont pas dit leur dernier mot : l'automne s'annonce chaud autour du dossier 5G.

 


[1]5G, une feuille de route ambitieuse pour la France. Document publié le 16 juillet 2018 par le gouvernement et l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes).

[2]Nous pouvons notamment citer les études Interphone et BioInitiative, et plus récemment celles du NTP et de l'institut Ramazzini.

[3]National Toxicology Program, «Toxicology and Carcinogenesis Stu- dies in Hsd:Sprague Dawley SD Rats Exposed to Whole-Body Radio Frequency Radiation at a Frequency (900 MHz) and Modulations (GSM and CDMA) Used by Cell Phones », Technical Report TR 595, 2018.

[4]Chiffres Statista.

5. www.orange-business.com/sites/default/files/dp-smart-cities-22032018_def.pdf

 Ou : www.arcep.fr/fileadmin/reprise/dossiers/programme-5G/Arcep_-_programme_de_travail_5G.pdf

6. Hugues Ferreboeuf et Jean-Marc Jancovici du Shift Project : « La 5G est-elle vraiment utile ? », www.lemonde.fr/idees/article/2020/01/09/5g-ne-sommes-nous-pas-en-train-…

7. Lire le rapport « Voilà pourquoi on meurt » d'Amnesty International

 

Un calendrier impossible

Début septembre, les associations Priartem et Agir pour l’environnement se sont fendues d’un communiqué pour dénoncer le calendrier imposé par le gouvernement pour évaluer les effets sanitaires de la 5G avant l’attribution des fréquences. « En deux mois à peine, les inspecteurs des ministères de la santé, de la transition écologique, des finances et de l’économie ont donc été priés de se substituer à l’Agence nationale de sécurité sanitaire et environnementale afin de mener à bien une expertise-minute. » Les associations rappellent qu’en janvier 2020, l’Anses admettait avoir besoin de temps pour cette évaluation, « face au manque de données dans les bandes de fréquences de 3,5 GHz. Les associations regrettent que le gouvernement ait délibérément opté pour un simulacre d’évaluation, contournant les travaux engagés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire dont les conclusions ont le démérite de se faire attendre ».

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