[THÉMA] Les nouvelles technos pour boire de l’eau

Publié le mer 02/08/2023 - 10:00

Par Manon Le Dantec

Depuis 2010, l’accès à une eau potable est un droit de l’Homme inscrit dans la résolution 64/292 des Nations unies. Dans un contexte de raréfaction de cette ressource vitale, certains voient dans les technologies le moyen d’en assurer le maintien sans remettre en question la consommation.

 

Pour la commission européenne, « le maintien d’un approvisionnement en eau stable constitue une préoccupation majeure, et de nouvelles solutions technologiques doivent être rapidement développées et mises en œuvre ». Cet appel aux start-up et autres entreprises de nouvelles technologies est clair : l’eau pour tous passera — entre autres — par le techno-solutionnisme.

Filtrer l’eau

Premier enjeu : si la demande en eau s’accroît dans le monde, la ressource, elle, est toujours plus dégradée par les différentes pollutions. Pour assurer une eau saine, les nouvelles technologies proposent des systèmes de filtrations multiples, dont des traitements membranaires avec une filtration « selon des seuils de coupures qui vont permettre d’enlever plus ou moins les micro-organismes », assure Justine Criquet, enseignante et chercheuse spécialiste de l’analyse et du traitement de l’eau. Là où la ressource en eau se fait plus rare, des jerrycans de la marque « Lifesaver », permettent de filtrer avec une membrane jusqu’à 20 000 litres d’eau. Parmi les différents systèmes membranaires, l’osmose inverse est « capable d’enlever les ions quasiment les plus petits » indique Justine. Cette technique est utilisée, entre autres, pour le dessalement de l’eau de mer.

Une solution de dernier recours

Pour trouver de l’eau potable, le second enjeu est bien évidemment celui de la potabilisation de l’eau de mer. Avec les trois quarts de la surface de notre planète recouverts d’eau salée, selon les Nations unies, en 2018, on comptait 15 900 usines de dessalement dans le monde, dont près d’un tiers sont installées au Moyen-Orient. Mais pour Pauline Pennober, chargée de mission sur les politiques de l’eau à Eau et Rivières de Bretagne, « le dessalement n’est pas une solution pérenne, mais une solution de dernier recours. » Comme au Yémen par exemple, où 17,8 millions de personnes sur 32,98 millions d’habitants n’ont pas accès à l’eau potable. Mais cette technologie pour obtenir de l’or bleu n’est pas encore verte. « Ce processus est extrêmement consommateur d’énergie », indique Pauline. Et son impact sur la faune et la flore alentour est considérable : « le sel qu’on extrait de l’eau de mer est très concentré, c’est une sorte de saumure qui est souvent rejeté dans les milieux naturels », conclut Pauline.

Nouveaux projets

Enfin, à ce jour, beaucoup de technologies sont encore en développement comme le recyclage des eaux usées. Ce traitement de l’eau destinée à la consommation est déjà développé en Afrique, notamment en Namibie. En Europe en revanche, les eaux recyclées ne prévoient pas une consommation humaine mais seulement une réutilisation dans des secteurs dépendant de l’eau douce (agriculture). Des expériences sont pourtant entamées aux Sables-d’Olonne avec le projet Jourdain. Les recharges artificielles des nappes sont aussi encouragées. « Le sous-sol offre une capacité presque illimitée de stockage », indique SUBSOL, projet de recherche pour les régions côtières en situation de stress. Financé par l’Union européenne, ce projet envisage de stocker de l’eau douce dans les zones côtières afin d’en garantir l’approvisionnement.

Économiser l’or bleu

Mais plutôt que de trouver de la « nouvelle eau à consommer », « les solutions technologiques peuvent aussi nous permettre de ne pas consommer d’eau potable pour certains usages », s’insurge Pauline. C’est ce qu’appelle aussi de ses vœux le gouvernement avec ses compteurs intelligents dans son plan Eau. Car « c’est en refusant de s’attaquer au problème de fond que certains acteurs se retrouvent à promouvoir des solutions de dessalement et de filtration », conclut la militante.

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