[AGIR POUR LE VIVANT] Philippe Meirieu : «  Tous responsables de l'avenir du monde »

Publié le ven 25/08/2023 - 10:00

© Benjamin Cayzac / Agir pour le vivant

 

À l'occasion de l'ouverture de la 4e édition du Festival Agir Pour le Vivant à Arles, Sans transition ! vous propose de (re)découvrir ses entretiens éclairants avec des auteurs et autrices inspirant·es ! 

 

Par la rédaction

A l’occasion du festival d’Agir pour le Vivant, qui s’est déroulé à Arles du 22 au 29 août, Sans Transition ! a rencontré Philippe Meirieu, spécialiste des sciences de l’éducation et de la pédagogie. Il explique notamment que l’éducation sera un élément fondateur pour reconstruire les liens entre les individus, et entre les individus et la nature.

Depuis plusieurs années l'éducation au développement durable est distillée dans le programme de manière transversale. Elle se retrouve dans différentes matières, mais aussi sous forme de projets de classe. Selon-vous cette sensibilisation est-elle suffisante aujourd'hui ? 

Non, elle n'est pas suffisante et je pense que nous manquons d'ambition dans ce domaine. Cela peut se faire de deux façons. En intégrant l'écologie au sein des différents enseignements ; dans des études de texte en français ou en abordant le réchauffement climatique en physique par exemple. Et de façon plus poussée encore, à travers une formation à la solidarité. Nous découvrons aujourd'hui avec éclat, que nous sommes solidaires entre êtres humains et avec la planète. L'école a pour mission d'activer cette solidarité au maximum. L'enseignement est trop individualiste, fondé sur la concurrence, sur le fait d'écarter les incompétents pour promouvoir les compétents. Si nous mettons en place, dans la formation des élèves, des situations de coopération, si nous sommes attentifs à l'économie d’énergie, au fait que nul ne soit humilié, que nous incluons les personnes défavorisées ou porteuses de handicaps, alors nous les aurons sensibilisés à la solidarité entre les humains et entre les humains et la planète. Cette solidarité-là, c'est le nœud de l'engagement écologique. L'école a une responsabilité majeure dans cette prise de conscience. Les jardins pédagogiques, les cantines bio, la végétalisation des cours d'écoles ou les sorties dans la nature sont bien sûr nécessaires, mais ce n'est pas suffisant si nos enfants sont dans une situation de concurrence permanente.

Est-ce aux communes et aux politiques d'apporter leurs soutiens et d'être présents afin de soulager les enseignants qui se retrouvent pris à la gorge par les programmes ? 

Je pense qu'il faut deux choses pour que cela fonctionne. La première, c'est mettre en place un cahier des charges. Il faut que l'environnement et l'écologie figurent clairement et soient obligatoires dans les projets d'écoles. Tous les établissements scolaires doivent en avoir un. Ce n'est certes pas suffisant, mais c'est un premier pas. Une fois inscrits, il faut que ces projets soient mis en œuvre. C'est là que l’État intervient. On ne peut pas laisser cette responsabilité aux collectivités territoriales : il y a trop d'inégalités entre les budgets scolaires. Certaines municipalités, dans le nord de la France par exemple, ne peuvent pas donner plus de deux euros par élève. Cette inégalité est liée aux ressources, mais aussi à des choix politiques. Certaines communes vont aider à créer des potagers scolaires, d'autres non. Il faut une impulsion de l’État pour favoriser la collaboration et corriger les inégalités entre les municipalités. La confiance dans les territoires est quelque chose d'important, mais la régulation de l’État l'est tout autant.

 

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