Par Lucas Martin-Brodzicki
Au nord de l’Isère, Thibaut Conversat habite avec sa famille dans une maison où l’eau de pluie, après avoir été récupérée et traitée, subvient aux besoins de quatre personnes. Ignorant sur le sujet il y a encore quelques années, l’ancien responsable comptable souhaite aujourd’hui démocratiser ce système au plus grand nombre.
Thibaut Conversat a ce débit de parole rapide typique du passionné lorsqu’il présente sa maison : un logement quasi-autonome en eau, grâce à la récupération des eaux de pluie. Installé dans la commune rurale de Salagnon, en Isère, le trentenaire au style vestimentaire bien urbain y vit depuis presque trois ans avec sa femme et ses deux enfants. « Au début, j’avais juste cette idée de bon sens de vouloir utiliser l’eau de mes douches pour les toilettes dans ma future maison », commence l’ancien comptable à Lyon. Après de fastidieuses recherches et quelques prises de conscience mêlées de collapsologie, Thibaut Conversat a donc largement dépassé son idée de base. « Il faut être convaincu de la pertinence écologique de ce que l’on fait pour aller au bout du processus. Ce n’est malheureusement pas rentable économiquement, comme peut l’être la pose de panneaux photovoltaïques sur un toit », déplore-t-il, car il a investi environ 10 000 euros pour son système.
Une autonomie quasi-totale
Cela commence avec des gouttières qui récupèrent les eaux pluviales avant de rejoindre deux cuves enterrées pour un total de 16 mètres cubes. « L’enjeu, c’est de bien dimensionner le volume de stockage maximum au départ », avertit le néo-spécialiste. Lui n’a pour l’instant connu qu’un mois sans autonomie totale en eau, entre juillet et août 2022. Face à un niveau de remplissage alors vraiment bas et sans gros orage à l’horizon, Thibaut Conversat a préféré connecter ses toilettes au réseau classique pour ne prendre aucun risque de pénurie d’eau potable. « Avoir un système comme celui-là, où tu gères toi-même ton approvisionnement, cela te responsabilise. Le concept de restrictions d’eau devient moins abstrait. » Après un premier filtrage, l’eau est pompée et envoyée dans la pièce maîtresse de l’installation, le mur technique. Tuyaux, filtres et vannes se côtoient et laissent apparaître la flexibilité du système. Il est par exemple possible de passer manuellement sur le réseau commun si besoin, en une minute à peine. L’eau qui sort du robinet est bien potable, le goût chloré et le calcaire en moins. Mais quid de la légalité ? Selon un arrêté de 2008, l’eau de pluie n’est plus considérée comme telle à partir du moment où elle est traitée à des fins de potabilisation. Et dans le cadre d’une consommation privée, pas besoin d’agrément particulier. Thibaut Conversat sollicite tout de même un laboratoire pour des tests de potabilité réguliers et aimerait en faire aux différentes étapes de la filtration.
« Les gens ne sont simplement pas au courant »
La maison en bois possède aussi un système d’assainissement à l’extérieur pour rendre les eaux grises au milieu sans le polluer grâce à la technique des filtres à broyats de bois. Une solution “toute bête” et fondée sur la nature. L’artisan avec qui il a travaillé, dit “Pierre L’écoleau”, a gagné en popularité en diffusant sur YouTube des vidéos de son concept de gestion écologique de l’eau. Aujourd’hui, les deux hommes s’apprêtent à travailler ensemble au sein d’un réseau national, Perperuna, afin de répondre à une demande de moins en moins confidentielle. « Les gens ne sont simplement pas au courant de la faisabilité du système. Une fois que c’est fait, les contacts s’enchaînent », se réjouit Thibaut Conversat. Celui qui s’imagine à la fois artisan, formateur et conseiller sur le cycle de l’eau dans l’habitat, que ce soit dans le cadre d’un projet de A à Z ou d’une rénovation, a toutefois bien conscience que ce marché de niche le restera pendant encore quelques années au moins.
Plus d’infos :
Cyclowtech, le site professionnel de Thibaut Conversat : https://www.cyclowtech.fr/
L’arrêté du 21 août 2008 relatif à la récupération des eaux de pluie :https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000019386409
Le réseau national Perperuna : https://perperuna.org/
Le réseau de l’assainissement écologique : https://reseau-assainissement-ecologique.org/
L’association Oïkos, qui fait visiter la maison de Thibaut Conversat : https://oikos-ecoconstruction.com/association/
