[THÉMA] Eau : "Le cœur à l’ouvrage !"

Publié le lun 21/08/2023 - 10:00

Par Quentin Zinzius

Face aux problèmes d’accès et de gestion de l’eau, l’État et certaines collectivités misent sur des projets de grandes envergures : détournements de cours d’eau, barrages, rechargement artificiel de nappes… Des projets pharaoniques, mais dont l’efficacité réelle est controversée. Démonstration avec deux exemples emblématiques.

 

Transformer l’eau en vin, vraiment ?

Sur le Rhône, dont le cours est historiquement modifié par les activités humaines depuis des siècles, un nouveau projet de détournement se dessine. Objectif : prélever entre 12 et 20 millions de m³ d’eau dans le fleuve afin de sécuriser… la production viticole du nord du Vaucluse. « Près de 68 % des terres agricoles du territoire sont consacrées à la vigne », dresse fièrement le comité de pilotage du projet Hauts de Provence Rhodanienne (HPR) dans son livret de présentation(1). Un projet dont la rentabilité est loin d’être assurée. Prévoyant un investissement minimum (!) de 15 000 euros à l’hectare, la rentabilité ne serait atteinte que par la mobilisation d’une subvention de 50 % minimum sur les 300 millions d’euros prévus. Un point qui ne semble pas inquiéter le Gouvernement : « Nous confirmons l’intérêt et la faisabilité du projet […] sous réserve de réalisation rapide », indique un compte rendu ministériel sur le projet(1). Avant de préciser : « Ce qui est aujourd’hui techniquement possible et économiquement pertinent pourrait s’avérer inapproprié dans une dizaine d’années et a fortiori au-delà ». Tant que le vin coule à flot...

Recharge artificielle, ou superficielle ?

Pour contrer la baisse qualitative et quantitative des nappes phréatiques, plusieurs initiatives dites de « rechargement artificiel ou maîtrisé » (ou MAR pour Managed Aquifer Recharge) ont vu le jour en France. Le principe ? « Augmenter les volumes disponibles d’eau souterraine en favorisant par des moyens artificiels son infiltration », définit le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) dans un rapport de juin 2022(2). En clair : stocker de l’eau en surface quand les cours d’eau sont saturés, pour la réinjecter dans les nappes quand le niveau baisse. Ainsi en France, une cinquantaine de sites « de capacité industrielle » ont été recensés par le BRGM, dont la moitié sont en activité. Une technique « industrielle » donc, qui aurait plusieurs bienfaits : amélioration de la qualité de l’eau des nappes par dilution des polluants, augmentation du niveau des nappes et donc diminution de l’impact des prélèvements. Néanmoins, la faisabilité de ces projets dépend de nombreuses conditions, parmi lesquelles « la nature du sol et la disponibilité de l’eau de recharge à proximité directe du site d’infiltration », détaille le BRGM. Elle nécessite également de nombreux aménagements : un moyen de captation, de transport, de stockage et d’infiltration de l’eau en surface (souvent un large bassin), un moyen de filtration afin de limiter les pollutions (voir avis de l’Anses(3)), voire même un forage d’injection lorsque le bassin ne permet pas l’infiltration directe. Coût estimé : « entre 10 et 25 centimes du m³ » pour les installations et besoins énergétiques, bien qu’un projet à « 50 centimes du m³ » soit envisagé sur la commune de Béziers. La sobriété n’est définitivement pas de la partie !

(1) www.irrigation84.fr/hpr
(2) www.brgm.fr/fr/actualite/dossier-presse/gestion-durable-eaux-souterrain…
(3) Avis de l’Anses : www.anses.fr/fr/system/files/EAUX2012SA0255Ra.pdf 

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