[INTERVIEW] Thierry Salomon : « La SOBRIÉTÉ, c’est l’intelligence de l’usage de l’énergie ! »

Publié le jeu 17/11/2022 - 17:02

Thierry Salomon est cofondateur de l’association négaWatt qui regroupe plus de 1000 adhérents, dont plusieurs centaines d’experts et praticiens de l’énergie.

Il est présent à la table-ronde du colloque BTP du Grand Avignon que nous animons ce soir, et sera également avec nous le 24 novembre prochain pour une émission du Web Sonne dédiée aux économies d'énergies, en partenariat avec Harmonie Mutuelle.

En amont de ces deux rencontres, nous nous sommes entretenus avec lui.

Le Gouvernement vient de lancer son plan Sobriété, et l’association négaWatt ses propositions chiffrées en la matière. Selon vous, faut-il aller plus loin face à l’urgence climatique ?

Oui, évidement ! Le plan proposé par le gouvernement reste un plan court-termiste sur 1 ou 2 ans, pas plus, ce n’est pas encore le scénario de planification dont nous avons besoin pour aller plus loin. Rien que dans l’habitat, il faut certes baisser la température de notre chauffage et s’habiller en fonction de l’hiver mais l’effort à fournir, surtout pour la rénovation, doit être beaucoup plus important pour répondre à l’urgence. A négaWatt, nous avons chiffré les besoins à 800 000 logements rénovés par an de façon complète et performante, alors que nous n’en sommes à qu’à environ 30 à 40000 actuellement...
Pour aller plus loin, il nous faut aussi ne pas confondre sobriété et efficacité. La sobriété est une réflexion sur l’usage de nos appareils, sur nos besoins essentiels. L’efficacité concerne la performance des moyens et les outils technologiques mis à disposition pour y arriver. Illustration : lorsque nous achetons un lave-linge A+++, il est certes efficace mais pas nécessairement sobre à l’usage ! Il ne le sera que si son usage est optimisé (bien rempli, partagé…). En somme, la sobriété, c’est l’intelligence individuelle et collective de l’usage de l’énergie !
 

La rénovation énergétique est en effet l’un des grands enjeux de l’habitat sobre et efficace de demain. Comment envisager un changement d’échelle en la matière ?

Dans le cas de la rénovation, on est face à l’existant, contrairement à la construction neuve, puisque chaque maison, chaque appartement est différent. Cela nécessite une réponse accessible et coordonnée par les professionnels, pour toucher le plus grand nombre et embarquer la majorité dans la transition. En somme, il nous faut faire de la haute couture pour le prix du prêt-à-porter, si on veut rénover en profondeur ! Or les enjeux énergétiques et climatiques imposent de faire en sorte que notre parc de logements atteigne rapidement le niveau BBC rénovation (label Bâtiment basse consommation, 50 kWh en énergie primaire par m² et par an pour le chauffage et l’ECS). Autrement dit : diviser par 3 et plus la consommation en kWh/m²/an. Or, nous sommes aux balbutiements de la réponse apportée. Des solutions multiples doivent être déployées sur les territoires.

Pouvez-vous nous détailler ces options, pour une rénovation qualitative et accessible ?  

Le seul chauffage des maisons construites avant 1975 représente 10 % des consommations françaises d’énergie ! Soit 17 millions de résidences principales à rénover en priorité, à un niveau de performance BBC, si possible en une seule fois. Une première piste consiste à proposer, comme le fait l’Institut négaWatt, une réponse de « groupement d’artisans », formés activement à la rénovation. Baptisé Dorémi, ce dispositif a été lancé en Rhône-Alpes depuis 2012 dans la Drôme, avec Biovallée. L’autre option consiste à améliorer davantage l’ingénierie de la rénovation complète et performante, de la préparation en atelier jusqu’aux mesures de performance. Il faut créer les conditions d’un service rapide et simplifié. Avec un vrai métier de « rénovateur » à la clé. La rénovation doit devenir simple, rapide et économique comme un coup de fil ! Dernier axe clé : rendre plus attractif la rénovation, donc positiver les négaWatts ! Pour qu’elle ne soit plus vue comme une contrainte, mais plutôt comme une opportunité. Il faut avant tout simplifier l’accès aux aides et l’accompagnement mais aussi bien mieux insister sur tous ces co-bénéfices : économies d’énergie, bien sûr, mais aussi confort, meilleure qualité de l’air, sécurisation du patrimoine …

Propos recueillis par Julien Dezécot

NégaWatt présente ses propositions chiffrées

NégaWatt publie cet automne une cinquantaine de mesures de sobriété couvrant les secteurs résidentiels, tertiaires et les transports. L’institut montre par ce travail comment l’objectif de réduction de la consommation d’énergie de 10 % en deux ans fixé par le gouvernement est atteignable en mobilisant efficacement l’ensemble des acteurs (citoyens, collectivités locales, entreprises, etc.) autour de mesures clairement identifiées, dont voici 2 illustrations parmi une cinquantaine détaillés dans le rapport :

  • Dans les bâtiments tertiaires, le simple fait d’arrêter la ventilation dans les locaux le permettant pendant les périodes d’inoccupation permet d’économiser 18 TWh, soit 50 % des consommations d’énergie liées à cet équipement.

  • Dans les bâtiments résidentiels, le chauffage à 19°C permet d’économiser 23,5 TWh, soit 13 % des consommations de chauffage. Couper les box TV et internet la nuit et lorsqu’on quitte son logement permet d’économiser plus de 3 TWh, soit 70 % des consommations liées à ces installations.


Plus d’infos : negawatt.org/sobriete-propositions-chiffrees

 

 

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