[THÉMA] Nouvelles constructions, quand la pause s’impose

Publié le ven 18/08/2023 - 10:00

Par Anna Sardin

En Pays de Fayence, dans le Var, l’heure n’est plus aux petites économies. Les ressources en eau s’amenuisant à vue d’œil, plusieurs maires ont pris une décision radicale : interdire toute nouvelle construction sur le territoire. 

 

À la limite entre le Var et les Alpes-Maritimes, des centaines de maisons provençales s’accrochent sur les contreforts montagneux des Préalpes. Dominant l’Estérel ou la baie de Cannes, les neuf villages de la communauté de communes du Pays de Fayence comptent parmi les plus beaux de France. Mais ce cadre somptueux ne parvient plus à faire oublier la crise profonde que traverse la région : il n’y a plus assez d’eau pour tout le monde.

Trop hauts perchées pour puiser dans de potentielles nappes phréatiques, ces communes sont quasiment toutes dépendantes d’une seule et même source potable, la rivière de la Siagnole. René Ugo, le président de la communauté de communes et maire de Seillans, s’inquiète : « Nous voyons son débit diminuer de semaine en semaine. Et avec la sécheresse qui s’intensifie, cela ne va pas aller en s’arrangeant. » En accord avec la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) et la préfecture du Var, les élus ont donc décidé de mettre en suspens l’intégralité des permis de construire sur le territoire, dès maintenant et jusqu’à ce qu’un raccordement avec le lac de Saint-Cassien, en contrebas, soit effectif.

« Une question d’équilibre »

Pour les maires, ce « Plan Marshall de l’eau » est une mesure nécessaire. Alors que le département connaît actuellement une sécheresse exceptionnelle, « cette décision a été prise parce que nous doutons de notre capacité à gérer une hausse des besoins », pose l’élu, alors que 1 000 nouveaux logements ont été autorisés à la construction ces deux dernières années sur le Pays. À l’horizon 2050, l’objectif de « zéro artificialisation nette des sols » (ZAN)(1) limitera de toute façon les nouvelles constructions. « L’arrêt de l’extension des villes n’est pas une chose innée, d’où l’imposition par la loi, indique Cyril Gachelin, formateur et chargé d’études à l’office international de l’eau (OiEau). Assez naturellement, les collectivités avec des problèmes de ressource en eau prennent les devants. »

Le décret ne remet pas en question les autorisations de construction déjà délivrées, et il n’est pas prévu d’empêcher les travaux d’extensions des maisons existantes. De même seront autorisés les travaux de rénovation (notamment énergétique), d’isolation ou toute modernisation, car le parc immobilier vieillissant nécessite d’être entretenu. « C’est simple : il nous faut trouver un équilibre entre la production et la consommation, résume le maire de Seillans. Plus nous aurons d’habitants, plus cet équilibre sera rompu tôt. Il nous faut absolument poser la limite, ou alors nous irons au-devant de difficultés bien pires encore. »

Un choix radical et nécessaire

Si la décision peut paraître radicale, les situations particulières des villages du Pays de Fayence sont effectivement alarmantes. « Sur ma commune, la source historique ne débite plus que 3,5 litres à la seconde, et notre forage complémentaire ne se régénère pas : nous sommes totalement dépendants de la Siagnole », constate, désolé, René Ugo. Et il n’a aucune alternative immédiate : « Notre seule solution aujourd’hui est le projet de raccordement avec le lac. Mais entre les études de faisabilité et d’impact et la recherche de financement, nous estimons à au moins quatre ans le chantier. Sans compter qu’il devrait coûter à minima une quinzaine de millions d’euros. »

Ainsi, même si complément il y a, le maire n’est pas dupe : « Nous devrons réfléchir à long terme à l’urbanisation, à la capacité de construction qu’il nous restera, observe ce dernier. On ne peut pas mettre un territoire en difficulté pour faire plaisir aux promoteurs. » Et Cyril Gachelin d’appuyer : « Certains endroits font effectivement face à une pression immobilière phénoménale : on artificialise encore l’équivalent d’un département moyen français tous les dix ans. » D’ici à demain, la raréfaction de la ressource en eau et la question de sa disponibilité vont obliger tous les acteurs à repenser l’aménagement du territoire au prisme de sa soutenabilité. « Nous sommes dans une mauvaise passe, conclut René Ugo, et il ne faudrait pas qu’elle devienne une impasse. »

1 - La démarche ZAN, dans le cadre de la Convention citoyenne pour le climat, impose de réduire de 50 % le rythme d’artificialisation et de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2030, par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020.

Plus d’infos :

- « Comment le secteur de la construction et de l’immobilier peut-il s’engager ? », par l’association Humanité et biodiversité (www.humanite-biodiversite.fr), voir aussi, à propos de la démarche ZAN le site de l'OFB (www.ofb.gouv.fr)

- La communauté de communes du Pays de Fayence communique sur la sécheresse : https://www.cc-paysdefayence.fr/

 

 

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