Yves Perret se présente comme un architecte-poète.
Quel est votre credo ?
C'est la joie. Très souvent, le milieu du bâtiment se limite à la production de constructions. Les projets sont alors réduits à la stricte fonctionnalité et aux usages. Les chantiers ne se passent pas forcément dans une ambiance terrible. D'ailleurs, il y a peu de chances que des enfants souhaitent devenir maçons, car ils sont été réduits à des tâches sommaires, sans qualité, sans variété, sans possibilité de s'exprimer : c'est triste à mourir. Or, l'architecture a une dimension imaginaire, d'invention et de joie, qui est cruellement absente.
Comment insufflez-vous la joie dans vos constructions ?
Par exemple, je donne à faire des choses qui mettent en jeu les neurones des gens, et pas seulement leurs capacités musculaires et physiques. Je délaisse les tâches répétitives. Je fais des choses qui ne servent à rien, car elles sont éminemment importantes. Toute l'histoire de l'architecture nous le montre.
Qu'est-ce qui ne sert à rien et qui est indispensable ?
Par exemple, vous allez visiter le Mont Saint-Michel, ou vous entrez dans une église romane, parce que vous sentez qu'il se passe quelque chose : cela porte d'autres dimensions, d'autres intentions, d'autres attentions. Cela dit quelque chose du monde. On retrouve dans tout art cette profondeur : dans la littérature, dans la danse, etc. Mais l'architecture a du mal à agir comme si elle était un art. Alors que c'est dans son essence, même dans des architectures très humbles : une niche dans un mur pour une statue, une date sur un linteau, le choix d'une pierre de seuil, une cheminée magnifique... Quand on voit nos supermarchés, c'est une honte que des gens soi-disant cultivés produisent des trucs pareils, avec des éclairages au néon et une musique d'ascenseur. C'est une folie culturelle. La fonctionnalité peut être dépassée, justement, par ces choses qui ne servent à rien, mais qui apportent de la joie.