[THEMA] Villes : OUVREZ, on ÉTOUFFE !

Publié le mer 17/08/2022 - 12:00

par Quentin Zinzius

Dans les villes, le mercure explose : en moyenne annuelle, la température y est plus élevée de 3°C par rapport au reste du territoire. Un écart qui se creuse avec le réchauffement climatique, mais aussi en raison de la conception même de ces zones urbaines, trop faiblement végétalisées. Laissons la nature nous faire de l’ombre !

Jusqu’à 35°C à l’ombre à Lyon, 38°C à Paris, ou même 40°C à Toulouse. Depuis les années 2000, ces « records » de température ont été atteints et franchis plusieurs fois, selon les données de Météo France. Des chaleurs « extrêmes » dont la fréquence et l’intensité augmentent avec le réchauffement climatique, et particulièrement exacerbées en milieu urbain : la température y est jusqu’à 10°C plus élevée que le reste du territoire lors des épisodes de canicule, toujours selon Météo France(1). Ce sont les îlots de chaleur urbain (ICU).

Origines multiples

Des îlots de chaleur dont l’intensité varie en fonction de plusieurs éléments : les conditions climatiques tout d’abord – un fort ensoleillement et un vent faible favorisant la hausse du mercure – mais également l’aménagement urbain. « Dans des conditions habituelles de vent (brise à vent frais), les masses d’air chaud se déplacent, se dissipent, explique Erwan Cordeau, ingénieur Environnement à L'Institut Paris Région, qui étudie le phénomène depuis la fin des années 90. Mais la ville et ses aménagements agissent comme un piège : en l’absence de vent, les masses d’air circulent mal, et la chaleur accumulée et restituée par les surfaces minérales – bâtis et infrastructures est difficilement dissipée ». Ainsi à Paris, « la température est supérieure de 2 à 3°C en journée par rapport à la campagne, mais aussi et surtout, de 6 à 7°C la nuit », complète l’ingénieur. Des températures qui varient localement en fonction de la hauteur des bâtiments et de leur espacement, des matériaux de conception, du niveau d’artificialisation du sol, de la présence de sources de chaleurs anthropiques (moteurs, climatisations, usines, etc.) et de végétation et de surface en eau… avec des conséquences différentes à chaque coin de rues ! « Des ruelles étroites vont par exemple fournir de l’ombre en journée, décrit l’ingénieur, mais la nuit, la chaleur va avoir plus de mal à se dissiper ».

Retour au vert

Et une telle variabilité du climat à l’échelle locale n’est pas sans conséquence, notamment sur la santé. « Le risque principal est celui de surmortalité des personnes sensibles(2), explique Erwan Cordeau, mais il y a également des conséquences sur la pénibilité au travail, et sur les personnes pratiquant une activité physique en extérieur  » (voir article page 26). Alors pour limiter ces risques, les ingénieurs et urbanistes se doivent de redoubler d’efforts. « Il est évident que nous ne pouvons pas modifier les conditions météorologiques, alors il va falloir agir sur la conception même de la ville », reprend l’ingénieur. Les espaces verts et la végétalisation ont notamment plusieurs effets bénéfiques, en apportant de l’ombre et en agissant comme «  climatiseur passif », par évapotranspiration3. « Il existe bien entendu des solutions plus techniques, basées sur des matériaux spécifiques (les couleurs claires, par exemple) ou des techniques innovantes. Mais elles n’agissent que sur le confort thermique, là où la végétalisation d’un toit, par exemple, et encore mieux d’un sol de pleine terre, favorisent également la biodiversité, et absorbent une partie des eaux des pluies, limitant de fait les risques de ruissellement et crues d’inondation  ». Pour l’ingénieur, l’objectif est donc de favoriser la présence de trames vertes et bleues, en respectant mieux le cycle de l’eau et en étudiant les possibilités de dés-imperméabiliser les sols, de les renaturer et d’augmenter les surfaces en eau . « Ces aménagements auront un impact direct et mesurable sur la vie des habitants, et c’est un levier considérable pour convaincre les pouvoirs publics », conclut-il.

+ D’INFOS

Notes :

(1) https://meteofrance.com/actualites-et-dossiers/actualites/climat/pic-de-chaleur-pourquoi-fait-il-plus-chaud-en-ville

(2) https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/climat/fortes-chaleurs-canicule/documents/enquetes-etudes/influence-de-caracteristiques-urbaines-sur-la-relation-entre-temperature-et-mortalite-en-ile-de-france

(3) Ensemble des phénomènes d'évaporation de l'eau du sol et des nappes liquides et de transpiration des végétaux.

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