[THEMA] Pétrole : les alternatives carburent

Publié le mer 20/04/2022 - 12:00

par Quentin Zinzius

Carburants, produits chimiques, plastiques… le pétrole et ses dérivés sont partout. Et si certains de ces produits, comme les pailles et sacs plastiques ont pu être remplacé facilement, ce n’est pas le cas pour tous. Voici quelques-unes des solutions promises.

Les agrocarburants sur la paille

Toujours fortement plébiscités par le gouvernement français – qui n’hésite d’ailleurs pas à les qualifier « d’énergie renouvelable » – les agrocarburants sont envisagés comme une alternative sérieuse aux énergies fossiles, en particulier pour l’aviation. Ainsi, pour 2050, les biocarburants devraient remplacer le kérosène fossile à hauteur de 50 %. Mais pour l’heure, le compte n’y est pas. Dans une publication de la Cour des comptes, datée du 20 décembre 2021, leur taux est estimé à 10 % du total de l’énergie utilisée dans le secteur des transports, et seulement 2 % dans l’aérien. Et cet écart n’est pas le seul problème : « Les biocarburants conventionnels (ou de première génération) sont produits à partir de matières premières destinées à la consommation alimentaire, avec laquelle ils entrent en concurrence », reconnaît le rapport du gouvernement. Autre point important, selon Greenpeace, leur bilan carbone est encore plus mauvais que les carburants classiques : « le biodiesel, en tenant compte de son impact de production, émet en moyenne 80 % plus de gaz à effet de serre que le diesel qu’il remplace ». Sans parler de la déforestation (puits de carbone) liée à sa fabrication.

Quant aux agrocarburants de troisième génération, les « algocarburants » - comprenez les carburants produits à partir d’une culture d’algues – les résultats sont également mitigés. N’entrant pas directement en concurrence avec la culture vivrière, ne dépendant pas des réserves d’eau douce, et captant le CO2 émis par les industries, la solution semblait pourtant prometteuse. Un peu trop même. Car, de la production des algues à la transformation en carburant utilisable, les besoins énergétiques sont monstrueux. Selon les Amis de la terre : « La quantité d’énergie nécessaire à leur production est sept fois plus grande que l’énergie produite par les carburants qu’on en tire. » Ainsi, la production d’un seul litre de carburant algale coûterait près de 10 €. La solution est évidemment fortement soutenue par les groupes pétroliers qui y voient, encore et toujours, le salut du moteur thermique.

L’hydrogène s’envole

Autonomie de 500 km, aucune émission à l’utilisation, possibilité de couplage avec les énergies renouvelables…. L’hydrogène est aujourd’hui une des technologies les plus prisées par le gouvernement. En 2021, elle s’est même vue dotée d’un plan à 7 milliards d’euros, dont 1,5 milliard sera consacré à la construction d’électrolyseurs – qui permettent la production d’hydrogène – pour une capacité de 6,5 GW. La technologie pourrait même occuper une place de choix dans l’industrie aéronautique, comme l’a promis le ministre délégué aux Transports Jean-Baptiste Djebbari. Mais derrière cette molécule « zéro carbone », se cache encore le problème de sa production. Aujourd’hui majoritairement carbonée – 95 % des 775 000 tonnes produites en 2020 l’ont été via les énergies fossiles – un déploiement d’ampleur de la technologie occasionnerait un important besoin énergétique : selon RTE, la « variable » hydrogène pèserait pour 110 TWh par an en 2050. Un hydrogène « vert » est donc possible, à condition de déployer rapidement et massivement des moyens de production d’électricité décarbonée...

Bioplastiques

On le retrouve dans les sacs destinés aux fruits et légumes, certaines bouteilles de soda ou pots de yaourts : le bioplastique. Produits à partir de végétaux – on parle alors de plastiques biosourcés – ou simplement « biodégradables », les bioplastiques représentaient, en 2018, moins de 1 % des 335 millions de tonnes de plastique produites dans le monde(1) . Mais là encore, tout n’est pas vert. Comme pour les biocarburants, les végétaux cultivés pour fabriquer le plastique entrent parfois en concurrence avec l’alimentation. Aussi, la « biodégradabilité » de ces plastiques dépend largement des conditions auxquelles ils sont exposés : la température notamment, mais aussi les micro-organismes présents dans le milieu. Ainsi en 2018, 57 % des bioplastiques n’étaient pas biodégradables. Pire encore, ne disposant pas de filière de recyclage adaptée, ces déchets sont in fine eux aussi incinérés, comme le plastique traditionnel… Faut-il encore rappeler que le meilleur déchet reste celui que l’on ne produit pas ?

Agriculture : Changement de cultures

Largement mécanisée et industrialisée, l’agriculture fait partie des secteurs ayant le plus profité du déploiement des énergies fossiles. Ils lui servent non seulement à alimenter ses moteurs, mais également à la production d’engrais et de pesticides, dont l’agriculture « moderne » et intensive est particulièrement dépendante. Alors quelles alternatives s’offrent à elle ? Pour Charles Hervé-Gruyer, co-créateur de la ferme biologique du Bec Hellouin, le choix est simple : « Soit on attend qu’il n’y ait plus de pétrole, soit on fait le choix, aujourd’hui, de s’en passer ».

En effet, si quelques expérimentations existent bien autour du tracteur électrique ou à hydrogène, elles restent très minoritaires et peu accessibles en raison de leurs coûts, et de leurs besoins technologiques. Seules solutions : l’agroécologie, la permaculture et… le retour aux champs (voir page 76). D’ailleurs, « il y a beaucoup de métiers dans l’agriculture qui peuvent se passer facilement du pétrole », reprend Charles Hervé-Gruyer. Le maraîchage notamment, qu’il expérimente sur sa ferme du Bec Hellouin, mais aussi l’arboriculture, l’apiculture, le petit élevage. Car ces différentes facettes de l’agriculture ne sont encore que peu mécanisées. « En revanche, pour la production de céréales et l’élevage de bovins, se passer de pétrole va être une véritable révolution culturelle », complète-t-il. Mais il n’est pas question pour autant d’un retour en arrière : « nos connaissances scientifiques de l’agriculture et de la nature, associées à des techniques plus développées, permettent d’obtenir une productivité suffisante, tout en protégeant et en restaurant la nature », atteste le maraîcher. Moins de fonciers, moins d’équipements, moins de dépendances aux intrants extérieurs… ces méthodes permettent non seulement de se passer des moteurs et des pesticides, mais réduisent également la dépendance de l’agriculteur au système, tout en lui permettant de travailler dans les champs plutôt que derrière un ordinateur. « Et ça, pour un amoureux de la terre et des animaux, ça n’a pas de valeurs ! », conclut Charles Hervé-Gruyer.

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