[THEMA] Agriculture en ville : une oasis de biodiversité

Publié le ven 08/07/2022 - 09:00

Par Mariane Riauté

Remettre de l’activité agricole dans les villes, si elle est agroécologique, contribue à y installer une biodiversité riche et pérenne. Qu’il s’agisse de potagers, de jardins partagés, de microfermes ou de fermes maraîchères, cette agriculture urbaine est à l’origine d’un cercle vertueux de développement de la flore et de la faune environnantes.

 

Il y avait ici une prairie délaissée pauvre en biodiversité. Mais depuis 2020, elle s’est transformée en une microferme où poussent 70 variétés de légumes et fruits sur 2000 m² de surface cultivée. Rémi Montagnier, maraîcher, a ainsi implanté une véritable oasis de biodiversité au cœur de la commune de Dompierre-sur-Besbre (03). Aucun doute pour Christine Aubry, agronome spécialisée dans l’agriculture urbaine, une telle microferme a un fort potentiel d’enrichissement de la biodiversité globale : « Beaucoup de projets d’agriculture urbaine se distinguent par une très grande diversité de plantes cultivées, avec souvent 30 à 50 espèces sur seulement 200 m² ». Les comestibles plantés augmentent donc directement la diversité végétale des zones urbaines.

Ces plantations contribuent également à construire des écosystèmes en attirant les insectes et pollinisateurs. Elles leur offrent un lieu d’alimentation et d’habitat au sein des milieux urbains. « Les espaces d’agriculture urbaine, même restreints, attirent une population importante de pollinisateurs et d’insectes », confirme Christine Aubry. Cette dernière a observé sur le potager du toit d’AgroParisTech une arrivée importante des pollinisateurs en quelques mois. C’est également le cas de Rémi Montagnier, qui est enthousiaste : « La ceinture fleurie autour de ma microferme a permis de ramener énormément de vie. Elle attire les pollinisateurs qui enrichissent considérablement mes cultures ». La pollinisation étant indispensable pour 70 % des plantes que nous cultivons, la présence de ces insectes permet un renouvellement durable de cette biodiversité. Et ils sont loin d’être les seuls à raffoler de ces espaces !

500 rainettes

Car l’installation d’une activité agricole va souvent de pair avec celle d’espaces non productifs comme les haies, les nichoirs ou les mares. Ces espaces permettent à la faune de s’y installer. Ainsi Pierre Vandaële a installé quatre mares et restauré plusieurs haies au sein de sa ferme périurbaine à proximité de Bayeux : « Le but est de ne pas rapporter d’espèces animales de l’extérieur mais de les encourager à venir d’elles-mêmes. J’ai vu une évolution énorme de la nature ici, mes jardins sont devenus des bulles de biodiversité. » Sur son terrain se baladent désormais des oiseaux, des mammifères, des reptiles ou encore des amphibiens. Il observe pas moins de 500 rainettes chaque année dans ses mares.

Dans sa microferme, Rémi Montagnier a quant à lui attiré la faune en créant une ceinture verte autour de ses plantations où pâturent des animaux. Si l’objectif au départ était de faire fuir les ravageurs, il a été surpris de voir la nature s’installer autour de sa ferme : « Avant on observait très peu d’oiseaux et presque aucun batracien. Dès que j’ai planté et installé des nichoirs pour leur fournir le gîte et le couvert, ma ferme a connu une explosion de sa biodiversité ! »

Une biodiversité de l’ombre

L’agriculture urbaine contribue aussi au développement de la biodiversité des sols. Le compost, obtenu grâce aux déchets végétaux des plantations de comestibles et à l’activité agricole, fournit les éléments minéraux nécessaires au développement de la microfaune et des invertébrés (vers de terre, termites, fourmis…) dans la terre. Ils constituent à eux seuls une forme importante de biodiversité. Selon la LPO, « les sols sont la réserve la plus importante de biodiversité et concentrent 80 % de la biomasse terrestre à la base de nombreuses chaînes alimentaires »1. La microfaune participe également à la dégradation des matières organiques qui permet d’enrichir le sol. Christine Aubry a vu l’effet d’un compost riche sur la production agricole du toit d’AgroParisTech : « En 10 ans, les rendements ont sérieusement augmenté, de 4 à 8 kl de légumes par mètre carré. C’est surtout dû aux apports organiques du substrat qu’on utilise ». Encore plus étonnant, des travaux ont montré que les jardins associatifs ont des niveaux « de diversité taxonomique en collemboles et vers de terre équivalents, voire supérieurs à ceux observés en forêts »2.

Une activité agricole en ville pourrait également permettre d’encourager la végétalisation de ses environs, entre autres grâce aux déplacements de la faune et des pollinisateurs. Preuve en est, les agronomes d’AgroParisTech n’ont rien planté sur une petite zone de compost du potager. En quelques mois, elle a été colonisée par des végétaux et attiraient les insectes et pollinisateurs. Force est de constater qu’en ville, comme ailleurs, la biodiversité peut rapidement se propager. Et l’agriculture urbaine devient donc un excellent support pour offrir à la nature les conditions favorables pour se développer entre immeubles et béton.

 

Les fermes indoor, contre-productives ?

Les cultures en intérieur, hors-sol ou à la verticale, produisent des denrées en quantités importantes et nécessitent peu de foncier. Mais bien qu’elles soient aisément implantables en milieu urbain, elles contribuent peu à développer la biodiversité environnante, puisqu’elles sont souvent dans des espaces fermés et surveillés. De plus, « en France, ce système ne fonctionne pas vraiment », analyse Christine Aubry. Ces fermes utilisent souvent du chauffage et un éclairage de LEDs pour faire doubler le taux de photosynthèse du CO2 des plantes. Elles produisent donc bien plus de gaz à effet de serre que l’agriculture traditionnelle.

 

Notes de bas de page :
1. LPO - Nature en ville : se nourrir tout en préservant la biodiversité - Compte-rendu de la 30ème rencontre du Club U2B
  1. Joimel et al., 2017

 

Plus d’infos : https://www.afes.fr . Rechercher le rapport « Évaluation des services écosystémiques fournis par les sols de micro-fermes urbaines ».

 

Et moi ? 

Près de vos comestibles, plantez des variétés locales et sauvages pour attirer les auxiliaires des cultures. Optez pour des arbustes fruitiers pour nourrir les insectes et oiseaux, et des plantes mellifères pour les abeilles, bourdons et papillons. Vous pouvez aussi construire des abris à insectes ou laisser un espace à l’état sauvage ! Un bon composte est également important. Interdiction d’utiliser des produits phytosanitaires, les insectes se chargeront de vous débarrasser des nuisibles. 

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