[TABLE RONDE] Planter des milliards d’arbres, la solution ?

Publié le mer 18/12/2024 - 14:43

S’il est évident que les arbres sont bénéfiques en ville, encore faut-il nuancer : dans quelles conditions, quelles quantités, quelles espèces et pour quels enjeux. C’était l’objet de la passionnante discussion qui a suivi la projection du documentaire La Puissance de l’arbre (voir encadré) lors de la rencontre à Utopia Avignon organisée par le Grand Avignon, avec la participation de 3 entreprises engagées dans l’aménagement urbain sur le territoire. Morceaux choisis.

Le 4 décembre dernier, le Grand Avignon, dans le cadre de son séminaire sur la nature en ville, organisait une projection-débat pour le grand public, animée par Sans transition ! Les participants ont pu écouter les préconisations des spécialistes : Ivan Scotti, directeur de recherche en Écologie des forêts méditerranéennes à l’INRAE d’Avignon, Benoît Campion, architecte-urbaniste chez Safran conceptions urbaines, basé à Marseille et Arnaud Million, directeur technique de la pépinière Cérès Flore à Loriol-du-Comtat (84).

En France, on plante des dizaines de millions d’arbres par an. Mais Arnaud Million se demande « si les arbres que l’on plante aujourd’hui pourront devenir des arbres remarquables. J’observe des financement massifs pour les plantation d’arbres,notamment en ville mais la course à la quantité n’est pas forcément la meilleure solution. » Car La qualité est essentielle selon lui au moment de la plantation. « Quant à la puissance de l’arbre, poursuit-il, même si je préfère parler de la nature dans sa globalité : il faut planter toutes les strates de végétaux : arbrisseau, arbustes, grands arbres, avec des mélanges intelligents… Les arbres d’alignement tous les dix mètres doivent s’accompagner d’autres végétations. En effet, une forêt, ce n’est pas que des arbres : il y a aussi l’importance des effets de lisières pour accueillir la faune. »

Qualité plutôt que la quantité

Regard complémentaire avec l’architecte-urbaniste Benoît Campion, qui a travaillé sur différents projets de plantations à Avignon, comme l’axe des rues Carnot et Carreterie. Il revient sur l’insuffisante notion de quantité : « Avant, on nous reprochait de prévoir trop d’arbres dans nos plans. Maintenant, ce n’est jamais assez. Quand on plante des arbres pour des décennies, certains grandissent et prennent beaucoup de place. » Pour lui, la qualité reste primordiale : « La grandeur de la fosse et la qualité du sol, qui doit respirer et stocker l’eau, sont essentiels. C’est bien de planter de beaux arbres, mais cela coûte très cher. Il vaudrait mieux selon les projets valoriser les jardins, comme au Rocher des Doms, ou dans les parcs existants à Avignon. »

Ivan Scotti ajoute qu’en effet, l’île de la Barthelasse est un peu l’équivalent du « Central Park » new-yorkais, avec sa singulière ripisylve, c'est-à-dire une forêt qui pousse au bord du cours d'eau. Pour lui aussi, « il faut oublier l’arbre isolé entouré de béton, mais penser en îlots forestiers ou îlots écologiques, qui fonctionneraient davantage comme de petits écosystèmes. » Avec comme résultat une meilleure efficacité tant pour capter les gaz à effet de serre, que pour la richesse de la biodiversité apportée !

Laisser faire la nature

Les espèces choisies doivent aussi s’acclimater à l’environnement urbain, pollué et sec, puisqu’il fera de plus en plus chaud et que l’absorption de carbone risque d’en être perturbée.

Arnaud Million travaille pour une pépinière dont la spécificité est de récolter des graines dans les espaces naturels proches des projets. Le but : privilégier les espèces endémiques, locales et naturelles, donc rustiques, qui seront forcément adaptées au climat et à la sécheresse.

Il résume le principe ainsi : « La ou les bonnes espèces au bon endroit. Ce n’est pas forcément le plus grand nombre possible. L’idée est de copier la nature et de préserver l’existant. Bien souvent, il faut limiter les interventions, comme arrêter de tondre et attendre que les plantes alentour s’installent d’elles-mêmes puisque la nature a horreur du vide. Il faut aussi accepter la présente des espèces sauvages comme le roncier… »

Le savoir-faire des jardiniers

Pour Benoît Campion, réussir l’introduction des arbres en ville passe nécessairement par des moyens humains adaptés : « C'est l'enjeu fondamental : remettre l'humain au cœur du sujet. Il faut des jardiniers dans les villes, avec leur savoir-faire, impliqués pour bien entretenir les espaces verts et se protéger de la chaleur : quoi de mieux qu’un jardinier qui a planté un arbre pour l'entretenir ? » Difficile de répondre par la négative à cette interrogation…

En somme, comme le rappelle Ivan Scotti de l’Inrae, « il est important d’intégrer la nature en ville et de planter des arbres, d’autant plus qu’ils apportent de la fraîcheur, tout en absorbant du gaz carbonique. » Planter, oui, mais pas n’importe comment : dans de bonnes conditions, au bon endroit, de façon à pouvoir se développer et s’installer durablement !


LA PUISSANCE DE L’ARBRE

La puissance de l’arbre, le documentaire de Jean-Pierre et Anna Duval, dresse un panorama des arbres remarquables de Suisse en compagnie d’Ernst Zürcher, ingénieur forestier connu pour son approche sensible des arbres.

Le film fait rêver par ses superbes images de paysages de forêts et d’arbres extraordinaires par leurs tailles ou leurs formes. Il rappelle à quel point nous faisons partie de la nature, et dont les bienfaits sur notre santé morale et physique sont scientifiquement démontrés. D’ailleurs, le simple fait de visionner ces magnifiques images a un effet bénéfique et donne envie d’aller se promener en forêt.


 

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