[OCCITANIE] À Toulouse, le vélotaf change de braquet

Publié le mer 12/05/2021 - 18:46

Par Catherine Stern

L'utilisation du vélo pour les trajets domicile-travail tend à gagner du terrain, favorisée par le contexte de crise sanitaire. À Toulouse, les gens sont incités à recourir à ce mode déplacement par des dispositifs et des aménagements réalisés ou en projet en vue de généraliser son usage, tel le REV, un réseau express vélo de 370 km.  

« Je pense que le vélo aide à passer la crise : c’est un mode de transport économique, qui fait du bien au corps, aide à se vider la tête, et répond à ce qui est à l’origine de la crise en nous emmenant vers une société décarbonée », affirme Philippe Perrin, vice-président de Toulouse Métropole en charge du vélo. Alors que le vélo a été un des thèmes phares des élections municipales de 2020, celui qui a vu la « planète bleue » d’en haut lorsqu’il était spationaute travaille au grand projet vélo de la mandature : la création du REV, un réseau express vélo de 13 lignes et 370 km adapté aux trajets domicile-travail. 182 M€ seront engagés sur 10 ans par la Métropole et le département. « On change d’époque : on va connaître une révolution du vélo, une vélorution !, affirme ce pilote d’essai chez Airbus, adepte de longue date du vélo sportif et récemment converti au vélo urbain. Toulouse deviendra une ville vélo comme Copenhague, espère-t-il. C’est une question d’état d’esprit et je sens que les gens veulent aller vers ça, surtout les jeunes. Je le vois chez Airbus. »

Encourager les employeurs à favoriser le vélotaf

Boris Kozlow, ingénieur chez l’avionneur et vélotaffeur aguerri, est également convaincu que le REV aidera au développement du vélo domicile-travail. « Les freins au développement du vélotaf sont de deux ordres, estime le président de l’association 2 pieds-2-roues, qui roule chaque jour 22 km pour aller travailler : les problèmes de sécurité en raison des discontinuités, des pistes pas très bien entretenues et le manque d’installations comme les garages à vélo, les vestiaires et les douches, indispensables si le trajet fait plus de 10 km. » Ce deuxième point est justement celui visé par le programme « objectif employeurs pro-vélo » annoncé par le gouvernement début 2021. Initié par la fédération française des usagers de la bicyclette et soutenu par l’Ademe, ce programme veut inciter les employeurs à encourager leurs salarié·es à venir au travail en vélo. Comment ? Avec des aides et un label reconnaissant les efforts accomplis : stationnements sécurisés, vestiaires et douches, vélos de service et de fonction, incitation financière grâce au Forfait Mobilité Durable (lire encadré), services de réparation, formations… Le programme se fixe pour objectifs la labellisation d’ici fin 2023 de 4500 entreprises et le co-financement de 25 000 emplacements vélo sécurisés.

Accompagner l’engouement

Le CNES Toulouse, qui a une belle antériorité dans le domaine, fait partie des premières entreprises à avoir testé ce label. Depuis 2010, les employé·es qui viennent travailler en vélo bénéficient d’une prime mobilité (200€ l’an dernier). Lors du challenge Allons-y à vélo(1) de février 2020, 300 personnes sur 2700 avaient enfourché leur bicyclette. « Mais c’est beaucoup plus en mai-juin car nous sommes au bord du canal du midi (et de sa piste cyclable) », souligne Olivier Belbis, chargé de l’environnement. De plus, le centre d’études spatiales met à disposition 60 bicyclettes en libre-service pour se déplacer sur le site, très étendu, ainsi que des vélos pour les trajets professionnels à l’extérieur du site. Un bâtiment spécial est dédié à celles et ceux qui viennent travailler en vélo avec vestiaires femmes et hommes, douches, kit de réparation et même casiers chauffants pour sécher les habits !

Depuis le début de la crise sanitaire, le coordinateur du plan de déplacement entreprise a remarqué un véritable essor du vélo. Alors que le Coup de pouce vélo du gouvernement avait permis de réparer un million de vélos fin novembre, les journées de réparation gratuite des vélos des salarié·es du Cnes sont tellement prises d’assaut qu’elles vont passer de 4 à 6 par an. Même engouement pour les essais de vélos à assistance électrique ou pliables lors de la dernière semaine de la mobilité. En 2020, le CNES a créé 90 nouvelles places de stationnement vélo et a prévu 6 abris complémentaires en 2021. Olivier Belbis se réjouit de l’annonce du Réseau Express Vélo. « Le Cnes sera concerné par au moins une ligne radiale du REV et, avec de vraies lignes de vélos sécurisées, il y aurait un nouveau boom de vélotaf au Cnes ! », assure-t-il.

Sécuriser les trajets domicile-travail

La sécurité des cyclistes est en effet un point crucial pour le développement du vélotaf. Les infrastructures y contribuent, mais la formation des cyclistes également, alors qu’on estime à 60 % la population adulte ayant peur de rouler à vélo en ville. C’est le but du Coup de pouce « remise en selle » et la mission des vélos-écoles. « Ce boom du vélo, et l’arrivée du vélo à assistance électrique, va chercher des gens qui n’en ont pas fait depuis longtemps et qui ont un sentiment d’insécurité », explique Mathilde Duran, en charge des pôles location, vélo-école et formation à la Maison du Vélo à Toulouse. « Notre structure prêche le vélo-école, la prévention des risques et l’accompagnement collectif ou individuel sur des itinéraires domicile-travail sécurisés, complète-t-elle. Cela permettra de faire une transition douce entre l’arrivée de ces néo-cyclistes et celle des aménagements sécurisés comme le réseau express vélo, car les deux sont nécessaires. »

Mais cette croissance très forte du vélo en ville et chez les cadres cache une autre réalité, moins favorable à la petite reine : « une fracture sociale de plus en plus marquée avec une baisse de la pratique chez celles et ceux qui l’ont utilisé historiquement : les jeunes, les personnes âgées, les ouvriers et les campagnes », observe Elodie Barbier Trauchessec. Et l’animatrice « mobilités émergentes » au service transport & mobilités de l’Ademe met en garde : « la visibilité du vélo en ville aide à faire une transition culturelle car de plus en plus d’élus le considèrent comme un mode de déplacement auquel il faut faire de la place, mais il ne faut pas oublier que cette transition ne pourra se faire que si on arrive à embarquer le péri-urbain et le rural, et pour l’instant on n’y est pas du tout. »

(1) Les challenges AYAV (allons-y à vélo), organisés dans la métropole toulousaine depuis 2005 par l’association 2 pieds-2 roues, rassemblent une à deux fois par an des dizaines d’entreprises et des établissements scolaires

 

Le forfait mobilité durable s’impose difficilement

La Loi d’Orientation des Mobilités a remplacé l’indemnité kilométrique vélo plafonnée à 200€/an par le Forfait Mobilité Durable (FMD) permettant aux employeurs publics et privés de contribuer aux frais de déplacements de leurs salariés se déplaçant en vélo (mais aussi en covoiturage) jusqu’à 500 €/an, exonérés de cotisations. L’État et certaines collectivités locales ont commencé à verser un FMD de 200 €/an à ses agents. Mais le caractère facultatif de ce FMD et la crise sanitaire n’ont pas poussé à son déploiement massif dans les entreprises. « Le Forfait Mobilités Durables est une super mesure, mais elle est encore très peu déployée », se  désole Julien Honnart, président-fondateur de Klaxit, un des acteurs des mobilités à l’origine du collectif FMD visant à accélérer sa mise en œuvre. Leurs demandes : rendre le FMD obligatoire pour les grandes entreprises et « lancer la dynamique » avec une participation de l’État à son financement.

+ d'infos  : www.coupdepoucevelo.fr ; www.maisonduvelotoulouse.com/ ; https://collectif-fmd.fr

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