[FAUNE] : Rewild : La zootopie bretonne 

Publié le dim 10/01/2021 - 07:00

Crédit photo : Rewild

Par Quentin Zinzius
 
Après plusieurs années de difficultés financières, le zoo de Pont-Scorff, dans le Morbihan, a été racheté en décembre 2019 par une coalition d’associations, nommée Rewild. Outre de nombreux travaux de rénovation pour rendre la vie des animaux plus agréable, la coalition souhaite relâcher certains d’entre eux dans leurs milieux naturels. Une démarche très éloignée du standard des parcs zoologiques.
 
Installé dans le pays de Lorient depuis 47 ans, le zoo de Pont-Scorff a fait partie des pôles touristiques emblématiques du Morbihan, et exposait chaque année ses animaux à plusieurs centaines de milliers de visiteurs. Mais ces dernières années, le zoo a connu de nombreux problèmes, notamment économiques. Les directions se sont enchaînées, les problèmes se sont accumulés, si bien que le zoo s’est retrouvé en vente à plusieurs reprises. En décembre 2019, le zoo est finalement racheté par la coalition Rewild [« retour au sauvage »] qui compte, parmi ses fondateurs, le centre Athénas, Sea Sheperd, et le Biome, tous spécialisés dans la protection d’animaux sauvages. Le zoo est alors fermé au public, et devient le Rewild Rescue Center [« centre de sauvetage de Rewild »], un centre de secours pour les animaux sauvages issus de trafic, avec pour objectif leur réintroduction en milieu naturel. 
 

« C’est une autre façon de s’occuper des animaux »

 
Car la mission principale de Rewild, c’est bien de relâcher ces animaux retenus captifs. « Dans les deux prochains mois, si la situation sanitaire le permet, il y a de fortes chances pour que nous relâchions nos premiers animaux » promet Jérôme Pensu, gérant du centre et fondateur du Biome. Du côté du milieu zoologique, l’annonce a du mal à convaincre. « Relâcher les animaux ce n’est pas les sauver » estime Laurent Daymard, président de l’association Agir-Espèces, en lien avec le milieu zoologique. Il argumente : « la plupart de ces animaux n’ont jamais connu le milieu naturel, ils seront incapables d’y survivre sans aide ». Une situation que la coalition est loin d’ignorer. « On est en relation avec des sanctuaires, qui s’occupent de ces programmes de réintroduction, et les différentes administrations, afin que tout se passe dans les règles » explique le gérant du centre. Et les animaux de l’ancien zoo ne seront pas les seuls concernés. « On commence à recevoir des animaux saisis lors de trafics, mais aussi des animaux abandonnés » reprend Jérôme Pensu. « Qu’ils s’occupent déjà des animaux qu’ils ont ! » rétorque Laurent Daymard, « avec leurs moyens et leurs compétences, ces animaux n’ont aucune chance » ajoute-t-il. Yann Favennec, vétérinaire sanitaire du zoo, est quant à lui plus pragmatique sur le sort de ces animaux : « C’est une autre façon de s’occuper d’eux, mais dans la mesure où cela est fait correctement, je ne peux qu’approuver leur démarche. » 
 

Nouveau départ

 
Et pourtant, ce rachat ne figurait pas dans les plans de la coalition. « On voulait créer notre propre structure, puis on a eu cette opportunité », concède Jérôme Pensu. Une opportunité, qui aura permis à la coalition d’économiser plusieurs millions d’euros. « Tout construire aurait eu un coût de 20 millions d’euros » estime le gérant, alors que le rachat du zoo de Pont-Scorff n’a couté « que » 600 000€. Une somme réunie en un laps de temps très court, grâce à la mobilisation du public autour d’une campagne de dons. Mais les travaux à entreprendre pour remettre le site en état sont colossaux. « On a observé un grand nombre d’infractions sur site, que ce soit au niveau des aménagements, comme au niveau des conditions de détention des animaux » indique Yann Favennec. Entre autres, de nombreux animaux ne sont pas ou mal identifiés, certains sont logés dans des enclos inadaptés, et d’autres souffrent de graves pathologies. « L’ours Cochise souffrait d’un liocome qui aurait pu être traité il y a des années », raconte le vétérinaire. Opéré rapidement après l’arrivée de Rewild, l’ours décède finalement au début du mois de décembre 2020. « Ils ont fait tout ce qui était possible pour rendre sa fin de vie plus agréable », défend le vétérinaire. Une surveillance et des soins qui se répètent auprès de chaque locataire du zoo. « Avant leur arrivée, ce zoo était dans un état déplorable. Depuis, les animaux sont plus tranquilles », constate Yann Favennec. Une tranquillité permise selon lui par la fermeture du zoo et l’arrêt des spectacles, qui entraînaient un dérangement permanent des animaux. « On ne peut pas nier que la présentation au public crée une gêne pour les animaux » avoue Laurent Daymard, président de l’association Agir-Espèces, en lien avec le milieu zoologique, « mais ce vétérinaire n’a aucune expertise pour dire si les animaux vont mieux ou pas » (sic).
 

« On n’est pas là pour faire de l’argent » 

 
Cette fermeture implique également un bouleversement du fonctionnement économique pour l’ancien parc zoologique. Alors pour financer son projet, la coalition compte principalement sur les dons du public. « Ce qu’on reçoit est suffisant pour nous permettre de travailler sereinement, on n’est pas dans le besoin » affirme Jérôme Pensu à ce sujet. Un argument qui a du mal à convaincre leurs détracteurs. « Ils peuvent toujours trouver des dons, mais en dépendre c’est mettre en danger ces animaux » affirme Laurent Daymard. Pour pallier ce problème, le centre prévoit la création d’un centre éducatif, comprenant des ateliers pédagogiques et des formations, à destination du public mais aussi de professionnels. « Il y aura peut-être des caméras pour que les gens puissent observer les animaux sans les déranger » précise-t-il tout de même, « mais pas question d’exposer les animaux ». Une fois en place, cette partie ouverte au public devrait compenser pour moitié des dépenses du centre, selon le gérant. Mais pour le moment, la priorité de la coalition est ailleurs. « On n’est pas là pour faire de l’argent » affirme d’ailleurs fièrement le gérant.
 

« Ce n’était pas une tâche facile »

 
Malgré les doutes, et une année 2020 marquée par de nombreuses joutes avec l’administration, la situation semble s’apaiser autour du projet. « La tempête s’est calmée. Ils ont compris ce qu’on était en train de faire » affirme même Jérôme Pensu, qui a notamment rencontré le préfet du Morbihan au cours du mois d’octobre. L’Association Française des Parcs Zoologiques (AFdPZ), dont était membre le zoo et qui a mis en doute la viabilité du projet, n’a pas réagi depuis un long moment, et n’a pas souhaité répondre aux questions de Sans transition ! sur le sujet. En attendant l’ouverture au public de son espace éducatif, le centre est toujours en travaux, à vitesse réduite en raison de la crise sanitaire. « On a pris un peu de retard, mais aujourd’hui on a fait 50 % du travail » indique le gérant, fier du chemin accompli : « réhabiliter complètement ce zoo, ce n’était pas une tâche facile, mais on est en bonne voie et on a aucun regret ». Et à première vue, les animaux n’ont aucun regret non plus !
 
Plus d’infos : rewild.ong

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