[ENERGIE] Les éoliennes auto-construites ont le vent en poupe

Publié le dim 12/07/2020 - 13:00

Une éolienne auto-construite, dans la Drôme se met à tourner avec le vent. Crédit : Elodie Horn

Par Élodie Horn

Des habitants de la Drôme décident de gagner en autonomie d’énergie et s’inscrivent à des stages d’auto-construction d’éoliennes, auprès de l’association Ti’Eole. L’idée ? Maîtriser le montage de l’éolienne de A à Z et  développer un réseau affranchi des grands fournisseurs d’électricité sur le territoire.

Grâce à des stages dédiés, l'association Tripalium, composée notamment de Ti'Eole dans la Drôme, propose d'apprendre à auto-construire une petite éolienne. Au programme : un savoir-faire délivré dans une ambiance conviviale qui permet de faire comprendre aux usagers qu'il est possible de combiner économie d'énergie et synergie humaine.

 

« Lorsque des personnes cherchent notre centre d’hébergement, on leur donne notre éolienne comme repère », lance Annette Julien, la codirigeante de l'association Base Nature Vercors en désignant leur installation plantée au cœur de leur terrain. Culminant à 20 mètres de hauteur, avec ses 3m60 de diamètre, il est difficile de  manquer cette éolienne avec ses grandes pâles en bois. Situé à Vassieux-en-Vercors, le centre accueille notamment du jeune public mais propose aussi le gîte et le couvert aux randonneurs, toujours plus nombreux, à l'assaut de ce massif montagneux, à cheval entre la Drôme et l'Isère. Le Vercors s'avère par ailleurs un emplacement idéal pour installer une petite éolienne grâce à son plateau venteux, culminant à 2300 m d'altitude.

 

De l'énergie produite avec un équipement low-tech

En 2014, Annette Julien et son mari Bernard décident d'organiser un des stages de l'association Tripalium sur leur terrain pour auto-construire leur éolienne « Piggott ». « Cela faisait longtemps que nous avions envie, notamment pour des raisons pédagogiques, d'avoir une éolienne à la maison. Nous avons pu accueillir une trentaine d'adultes durant une semaine, pour la construire de A à Z, avant de la monter sur son mât », précise Bernard Julien. Ce type d'éolienne porte le nom d'Hugh Piggott, un paysan écossais qui vivait sur une île venteuse à la fin des années 80. Il décide de s'improviser constructeur d'éoliennes pour s'affranchir du pétrole. Développant cette approche low-tech, qui nécessite peu d'équipements et peu d’argent, sa technique est plébiscitée depuis 40 ans par des stages en auto-construction à travers le monde. En France, l'association Tripalium coordonne ces stages en les organisant à la demande. Une idée qui a tout de suite séduit Annette Julien et Bernard, qui entre leurs activités de reporters radio et leurs voyages à vélos, sont adeptes de moments d'échanges et de savoirs partagés.

 

Une implantation en fonction du vent et en secteur rural

Pour organiser ce stage, le couple de propriétaires du centre contacte Jay Hudnall. Originaire de Washington, arrivé en France il y a 12 ans, il est l'un des cofondateurs de l'association Ti'Eole, basée à Valence, dans la Drôme. Le but de cette organisation pionnière : proposer des formations d'une semaine pour apprendre à construire des petites éoliennes en autonomie. Leur éolienne Piggott n'est pas la plus grande de la gamme puisqu'il en existe 6 tailles différentes, allant de 1m20 à 4m20 de diamètre. La plus petite peut produire jusqu'à 200 W et répondre aux besoins d'éclairage et d'audiovisuel d'un bateau, d'une cabane ou d'un chalet. La plus grande, qui atteint 4 m20 de diamètre, peut correspondre à la consommation en électricité d'une famille, à l'exclusion des appareils de chauffage. Pour une installation comparable à celle d'Annette et Bernard Julien, il faut compter 8 000€ au total. « Ce coût recouvre le matériel, le bois aussi bien que le câblage, l'électronique et l'installation au réseau électrique », détaille Jay Hudnall, qui a commencé sa carrière comme ingénieur dans l'énergie électrique avant de se spécialiser dans les énergies renouvelables et notamment l'éolien.

Pour qu'un particulier sache s'il est intéressant d'accueillir une éolienne chez lui, plusieurs éléments sont à prendre en compte. « Il faut tout d'abord avoir de la place, c'est pour ça qu'il est impossible d'installer une éolienne en ville ou dans un lotissement. Il ne faut pas qu'il y ait de bâtiments ou d'arbres qui risquent de bloquer le vent dominant », détaille Jay Hudnall. Le deuxième élément essentiel : le vent. En France, 3 zones sont particulièrement venteuses et donc intéressantes pour implanter une éolienne : la vallée du Rhône, la côte entre Montpellier et Perpignan mais aussi la Bretagne et la Normandie. En plus de l'emplacement, l'altitude est aussi un facteur important, puisque plus l'éolienne sera placée dans un lieu dégagé et en hauteur, plus elle sera au prise avec cet élément et gagnera en efficacité. La taille de l'éolienne sera ensuite déterminée en fonction des besoins en électricité, la périodicité et l'élasticité des besoins. Tout cela peut permettre aux particuliers de générer jusqu'à 2000 kWh, ce qui chez Annette et Bernard Julien couvre 30 % de leur consommation électrique.

 

3000 personnes formées à l'autoconstruction d'éoliennes

Durant le stage de fabrication, tous les participants sont amenés à participer de manière égale, ce qui permet une véritable synergie de se créer. « La première journée est tournée sur l'apprentissage de la soudure et le travail du métal. On travaille ensuite le bois pour fabriquer les pales de l'éolienne. Une autre partie va être consacrée aux câblages et à l'électricité. Selon leurs affinités, les particuliers peuvent choisir d'aller vers l'un ou l'autre, même si l'idée est de se former à l'ensemble du procédé de construction », détaille Jay Hudnall. Après avoir effectué sa formation dans le sud de la France, complétée par des stages au Texas, État américain adepte de la petite éolienne, Jay Hudnall décide d'implanter ce procédé à son retour en France. La première étape : traduire le guide d'auto-construction de la petite éolienne de Hugh Piggott en français afin de rendre ce manuel didactique et tout ce procédé à la portée de tous. Le procédé d'auto-construction, assez simple en soi, est donc accessible au plus grand nombre grâce au guide très détaillé mais l'est encore davantage avec les stages délivrés par des formateurs.

Grâce à Tripalium, plus de 3000 personnes ont pu suivre le stage en France. « En plus d'être formé à la fabrication, construire l'éolienne permet de comprendre son fonctionnement et donc en cas de problème, d'essayer de la réparer soi-même. Celle-ci permet que d'autres proposent à leur tour cette formation et donc continuent de développer le réseau », précise l'Américain de 47 ans. « Nous accueillons beaucoup de public sur notre centre. Les remarques que nous avons sur l’éolienne sont généralement positives, contrairement à celles que l’on peut entendre sur les grandes installations. Les gens sont plutôt curieux de connaître son fonctionnement », explique Bernard Julien. De quoi motiver peut-être d’autres particuliers à organiser des stages Tripalium chez eux, pour construire leur propre éolienne et ainsi agir à leur échelle. Aujourd'hui, au moins 200 éoliennes en auto-construction sont implantées à travers le territoire, la plupart sont répertoriées sur le site de l’association. Et fournissent de l’électricité en autoconsommation. Selon une enquête Ifop réalisée en 2009 en France, 28 % des interrogés se disaient disposés à acheter une petite éolienne. Alors pourquoi ne pas sauter le pas et l’auto-construire également ?

 

Plus d'infos

www.tripalium.org

vatelier.fr

tieole.fr

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