DECARBONNER ? OUI, MAIS COMMENT ? « Nous on a un plan, et vous quel est le vôtre ? »

Publié le jeu 09/11/2023 - 13:12

A l’occasion du 20e anniversaire du mois de l’ESS - un événement né en PACA - la CRESS PACA et AESIO mutuelle ont co-organisé, ce mardi 7 novembre, en partenariat avec Sans transition !, une soirée-débat accueillie par le Crédit Agricole, au sein de l’Auditorium de son siège à Aix-en-Provence, en présence de Malika Ben Makhlouf, directrice des transitions justes, équitables et citoyennes. Cette soirée-débat, qui a rassemblé près de 200 personnes, était dédiée à la décarbonation de l'économie, en présence des experts du Shift project.

La crise écologique se conjugue aux crises économiques et sociales et les amplifie. Face aux enjeux climatiques, il est désormais indispensable pour les entreprises de s’engager dans une véritable transition écologique. Objectif : atteindre la neutralité carbone en 2050 et donc décarboner leur empreinte. Oui mais comment ? L’ESS s’engage dans cette voie d’accélération mais doit poursuivre la dynamique.

L’ONU a reconnu l’Economie Sociale et Solidaire en avril dernier en adoptant une résolution visant à considérer que l’ESS contribue à la réalisation des objectifs de développement durable par l’innovation sociale.

Avant d’ouvrir les débats, Jean Philippe Berlemont, directeur régional à la DREETS (direction régionale de l’économie, l’emploi, le travail et les solidarités) rappelle les moyens investis par les services de l’Etat dans la transition : « un soutien massif, pérenne et incarné ».

Le grand entretien : Laurent Perron et Reuben Fisher, deux experts du Shift Project, exposent le PTEF en nous permettant de plonger au cœur de l’indispensable enjeu de la décarbonation.

Cette soirée débat initiait ainsi un « grand entretien » avec Laurent Perron (ingénieur de formation (INSA), et désormais chef de projet « industrie automobile », au sein du Plan de transformation de l’économie française) et Reuben Fisher (Ingénieur MINES ParisTech, également chef de projet au Shift), tous deux experts ayant participé à la rédaction du rapport du Shift dédié au PTEF : le Plan de transformation de l’économie. Il s’agissait donc de mettre en avant des solutions concrètes pour décarboner l’économie, en favorisant la résilience et l’emploi.

Reuben Fisher entre dans le vif du sujet : « Le monde des dernières années est un monde en “Polycrise" ; et pour le monde d’après ? Comment on fait ? » Laurent Perron nous rappelle « la double contrainte carbone » : à la fois dans notre « lutte contre le dérèglement climatique » mais aussi notre nécessité à « sortir de la dépendance aux énergies fossiles.
Le Shift Project chiffre dans un récent rapport, pour chaque secteur, les pertes et gains nets d’emplois d'ici 2050. Selon le rapport, la transformation bas carbone de la France permettrait une hausse de 2% du nombre total d’emplois à cet horizon. Soit 1,1 million de créations et 800 000 destructions d’emplois d’ici à 2050, avec de nombreuses disparités par secteur. Le bâtiment, la rénovation, l’emploi agricole, les services aux entreprises seraient en l’occurrence en forte croissance selon France Stratégie. La question du Timing est cruciale. « 2050 ça vous paraît loin ? », adresse Reuben Fisher au public de la salle ; il poursuit : « C’est dans 25 ans. Mais les changements que nous avons besoin d’opérer pour espérer réduire à quasi zéro notre dépendance sont si profonds qu’il faut commencer maintenant, avec une réduction chaque année de 5 à 7 %. » Un peu comme pendant les récents confinements, quand « tout s’est arrêté »…

Les solutions doivent donc elles être radicales ? Laurent Perron s’adresse à son tour au public : « on vole, on navigue, on roule au pétrole. Et si demain, nous n’en avons plus ? Que se passe-t-il ? Ce ne sont pas les entreprises qui seront limitantes, c’est la physique (disponibilité du fer, du cuivre, des matières premières…) ! Quelle est notre capacité de production à électrifier la mobilité des transports ? Et quel sera l’arbitrage de répartition ? Avec quelles mesures de sobriété ? ».

Ce  « grand entretien » mené par Sans Transition se poursuit par une keynote du duo Shift autour du PTEF. « On peut continuer à voler, mais décarboné ! », selon Reuben Fisher. Des notes d’espoir cependant avec leur fameux PTEF : « Il y a des chemins possibles, et on a essayé d’en construire un. Il s’agit de participer à l’effort global » nous indique Laurent Perron, « Il faut qu’on fasse le job… ». Il termine ainsi en interpellant le public à nouveau : « Nous, on a un plan, et vous, quel est le vôtre ? »

La Table ronde : « L’ESS, au cœur de la transformation de l’économie ». Avec 4 acteurs locaux qui créent de l’emploi tout en décarbonant leur activité.

La « Table de Canat » (traiteur, restauration collective, insertion), « Trans-massilia » (déménagement de professionnels, gestion d'archives, collectes multi-déchets & biodéchets…), « Pain et partage » (membre du réseau « Bou’Sol » assurant l’émergence et l’animation de boulangeries solidaires), et « Provence TLC » (collecte, tri et recyclage de textile) partagent leur expérience, difficultés et solutions sur cette voie de transition. « Une des pistes : la mutualisation, en optimisant par exemple les circuits de livraison » indique Benjamin Borel de PAIN ET PARTAGE. Julia Berkowicz de la « Table de Canat » et Franck Maillé de « Trans-massilia » ont, eux, choisi de former leurs chauffeurs-livreurs à l’éco-conduite.
Laurent Perron et Reuben Fisher se sont réjouis du grand nombre d’initiatives présentées ce soir par ces 4 entreprises engagées dans la décarbonation. Laurent Perron ajoute que la réalisation du bilan carbone d’une structure constitue le point de départ indispensable dans cette démarche. Reuben Fisher, lui, rappelle l’urgence et les priorités en citant le triste exemple du financement de « bombes climatiques » par des banques.

Parmi les questions du public, la question de l’impact de croissance démographique est posée ; 8 milliards aujourd’hui. Et demain ? Laurent Perron indique cependant que ceux qui génèrent le plus cette croissance démographique ne sont pas ceux qui consomment le plus, et dont l’empreinte carbone est la plus élevée.

Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, chargée des Petites et Moyennes Entreprisesdu Commercede l'Artisanat et du Tourisme a récemment cité en exemple la CRESS PACA.

Les Défis lancés par AESIO mutuelle et accompagnés par la CRESS PACA

Denis Philippe, Président de la CRESS PACA (Chambre Régionale des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire) rappelle à quel point cette région est innovante et « qu’il s’agit de faire la démonstration par l’exemple, en portant la parole des acteurs ». Emmanuel Bergerault, directeur de cabinet du Président d’AÉSIO Mutuelle (représentant Patrick Brothier) explique : « En tant que consommateur, soit je ne privilégie que mon pouvoir d’achat, soit je choisis la proximité et l’humain. Il en est de même pour les entreprises. Il s’agit de choix sociétaux ». Aesio mutuelle a par exemple fait le choix de ne générer des emplois que sur le territoire français, dans une dynamique d’ESS, écologique, et dans la transition.

Ainsi, ces « défis Aésio 2023 » ont été organisés tel un concours de projets auquel toutes les associations, les entreprises, les écoles de formation ont pu participer. L'ambition : agir au plus près des territoires en soutenant et finançant les acteurs locaux à réaliser leurs projets, pour faire face aux nouveaux défis de société.
Selon Denis Philippe, ces « défis » ont pour but de « mettre en visibilité les entreprises de l’ESS aux côtés de grands acteurs tels Laurent Perron et Reuben Fisher », « faire avancer la cause », « faire du lien au plus près des territoires ». Il poursuit : « une entreprise de l’ESS repère un besoin et cherche à y apporter une réponse » ; « The Shift Projet que nous avons invité ce soir est la preuve que la transition environnementale est une évidence pour tous. Non seulement parce que c’est une urgence absolue pour la protection de notre planète, mais également parce cette transition est accessible à tous, quelle que soit l’activité ou la taille de la structure ou l’entreprise. »

La remise des trophées

Ces « dédis » ont ainsi été récompensés lors de cette soirée anniversaire pour leurs actions en faveur des objectifs sociaux et environnementaux auxquels ils répondent collectivement dans chacune de leur entreprise. 5 lauréats :

  • Le 1er trophée, « Trophée ESS Dirigeante », a été délivré par Béatrice Augier (Secrétaire Générale de la FNMF et Administratrice AÉSIO mutuelle) à Alexandra Bruno, présidente de l’association « Les Lutins de l’Iscle » (83).

  • Le 2ème trophée, « Trophée ESS Insertion » a été délivré par Yannick Gallien (1er Vice-Président de la CRESS PACA) à Olivier Capgras, directeur de « L’association Semailles » (84).

  • Le 3ème trophée, « Trophée ESS Préservation de l'environnement » a été délivré par Jean-Paul Chapuis (Administrateur AÉSIO mutuelle et Président du Conseil Territorial Occitanie PACA Corse) à Louis-Xavier Leca, responsable méditerranée de « La Réserve des Arts » (13).

  • Le 4ème trophée, « Trophée de la Solidarité » a été délivré par Élisabeth Hansberger (Administratrice AÉSIO mutuelle et Présidente de la Commission Actions Sociales et Solidaires) à Anne-Claire Bel, directrice régionale des « Compagnons Bâtisseurs » (13).

  • Le 5ème trophée, « Trophée Coup de Cœur » a été délivré par David Heckel (Directeur de la CRESS Provence-Alpes-Côte-d’Azur) à Marion Etienne, directrice de « Look § job » (13)

Grâce à sa capacité à surmonter les chocs, amoindrir les impacts et proposer des alternatives durables à long terme, le secteur démontre sa résilience, comme cette soirée anniversaire l’a exploré en ce lancement du mois de l’ESS.

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