[BLOOM] Aires marines protégées : décryptage du vote

Publié le jeu 05/05/2022 - 09:54

Par BLOOM,

Le Parlement européen a voté le 3 mai un rapport d’initiative sur l’économie bleue dont le résultat n’est pas contraignant mais important pour donner la mesure de l’ambition des eurodéputés en matière de protection de l’océan, du climat et de la pêche artisanale.

Mme Caroline Roose, députée EELV, avait déposé un amendement demandant l’interdiction du chalutage de fond dans les aires marines protégées (car les aires « protégées » ne le sont pas du tout des méthodes de pêche destructrices). Malheureusement, le Parlement européen n’a pas pu s’exprimer sur la proposition des Verts en raison d’un amendement anti-écologique de LREM, visant à amoindrir dangereusement les standards internationaux de protection marine, déposé par le député Pierre Karleskind et cosigné par une large partie des « Marcheurs » d’Emmanuel Macron au Parlement, qui a fait « tomber » celui de Mme Roose.

 

©BLOOM

Voici, ci-dessus les votes des députés qui se sont opposés à l’amendement honteux de la République en Marche (en vert), ceux qui l’ont adopté (en rouge) et ceux qui se sont abstenus (en orange). La nouvelle trahison écologique d’Emmanuel Macron II par rapport à sa promesse de campagne ne s’est pas fait attendre longtemps.

Vous verrez ci-dessous que certains députés de LREM ont voté CONTRE leur propre amendement, qu’ils avaient même parfois cosigné. Comment un tel capharnaüm est-il possible ? Explications.

QUE S’EST-IL PASSÉ AU PARLEMENT ?

Acte 1 :

Pierre Karlsekind, député LREM et président de la Commission de la pêche du Parlement européen, a déposé un amendement pervers proposant d’interdire uniquement dans les zones « strictement » protégées les méthodes de pêche « néfastes ».
1er problème : c’est le seul endroit de l’océan où elles sont déjà interdites.
2ème problème : en creux et l’air de rien, cet amendement remet en cause la définition internationale d’une aire marine protégée qui interdit les méthodes de pêche destructrices et les activités extractives industrielles dans TOUTES les aires marines protégées.

Acte 2 :

BLOOM mobilise les citoyens. Nous postons une vidéo de Claire Nouvian depuis le Parlement qui dénonce la supercherie. Des centaines de milliers de personnes découvrent les manœuvres honteuses de LREM et interpellent Emmanuel Macron et Stéphane Séjourné, président du groupe des députés LREM au Parlement européen (et signataire de l’amendement de Pierre Karleskind).

Acte 3 :

Sous pression de l’opinion publique et pris à parti par l’activiste Hugo Clément, par la comédienne Marion Cotillard et par l’humoriste Nicole Ferroni, le député Pascal Canfin tweete vendredi soir que LREM va proposer un autre amendent pour remplacer celui de Pierre Karleskind. Il est en effet possible de déposer un amendement oral en séance plénière.

Acte 4 :

BLOOM demande à voir le langage de l’amendement qui est produit le lundi. Le nouvel amendement oral de Pascal Canfin est encore plus pernicieux que le premier : il redéfinit ce qu’est une aire marine protégée ET invente des conditions pour les mettre en œuvre qui n’existent pas et ne visent qu’à retarder leur mise en place. Une honte absolue.
Des milliers de citoyens reprennent la parole et les chercheurs s’en mêlent.

Acte 5 :

Finalement, Pascal Canfin ne dépose pas son amendement oral, LREM maintient son amendement pervers initial au lieu de le retirer et l’amendement de LREM fait tomber celui de la députée Caroline Roose. Le Parlement ne peut ainsi pas s’exprimer sur l’interdiction du chalutage de fond dans les aires marines protégées européennes.

Un désastre.

Acte 6 et fin :

La traçabilité des votes est désormais disponible. On voit que Pascal Canfin et d’autres députés LREM, y compris le président du groupe, Stéphane Séjourné, ont voté contre l’amendement de leur groupe et collègue.
Depuis Pascal Canfin n’a de cesse que de faire rectifier son vote dans les articles de presse.

La République en Marche montre donc ses méthodes lamentables : le Président du groupe Stéphane Séjourné avait la possibilité de

1) retirer l’amendement de son collègue Pierre Karleskind
2) de remplacer l’amendement de Pierre Karleskind par un amendement mettant l’UE en conformité avec les normes internationales de protection
3) de donner des consignes de vote à son groupe pour rejeter l’amendement (si maintenu)
4) d’adopter l’amendement de Caroline Roose sur l’interdiction du chalutage de fond dans les aires marines protégées

Leurs tactiques sont néfastes pour la démocratie et leurs accointances avec les lobbies de la pêche industrielle dangereuses pour l’océan et le climat.

UN VOTE D’UNE INCOHÉRENCE BIENVENUE

En revanche, les députés ont également adopté le 3 mai à 361 voix contre 208 un amendement des Verts demandant l’interdiction des activités extractives industrielles dans les aires marines protégées. Dans un grand écart incohérent, les eurodéputés ont demandé l’application d’une partie seulement des normes de l’UICN. BLOOM accueille avec enthousiasme cette incohérence de très bon augure pour l’avenir de nos mers et océans.

LA BALLE DANS LE CAMP DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

Un vote de rapport d’initiative est non contraignant, la balle est donc désormais dans le camp de la Commission européenne qui doit prendre des mesures urgentes pour préserver l’environnement marin. Alors que les forces conservatrices du Parlement européen nient la science et n’assument pas leurs responsabilités face à l’urgence d’agir contre la dégradation de l’océan et du climat par les pêches industrielles, la Commission doit assumer un leadership politique plus fort.

BLOOM qui s’est mobilisée pour le vote avec d’autres ONG, appelle dorénavant la Commission européenne, et en particulier son vice-président exécutif Frans Timmermans et le commissaire à l’environnement et à la pêche Virginijus Sinkevičius, à produire une proposition législative garantissant que les aires marines protégées de l’UE soient conformes aux normes de l’UICN. Seules des AMP efficaces et réellement protégées peuvent permettre à l’UE de tenir ses engagements ambitieux en matière de biodiversité et de climat.

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