[THEMA] Edito : tous des animaux

Publié le mer 29/03/2023 - 12:00

Par Julien Dezécot

« Les animaux sont des êtres vulnérables, doués de sensibilité, qui méritent notre protection. Les actes de violences qu’ils subissent parfois sont insupportables. » Cette citation n’est pas tirée d’un communiqué d’association de protection des animaux… C’est Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, qui l’a claironnée sur son compte twitter le 27 janvier lors d’une visite en grande pompe dans un refuge de la SPA, sans doute conscient du basculement de l’opinion publique sur la cause animale. Le sujet est devenu éminemment politique : depuis l’émergence du Parti animaliste aux élections législatives de 2017, la condition animale n’a cessé de s’inviter dans le débat public.

Preuve d’un basculement dans l’opinion, l’initiative citoyenne européenne (ICE) « End the Cage Age » appelant à une transition vers un système d’élevage d’animaux de boucherie sans cage a recueilli en 2021 près d’1,4 million de signatures. La Commission européenne a alors indiqué qu’elle s’engagerait d’ici fin 2023 à faire une proposition législative pour la suppression progressive et l’interdiction des cages, notamment pour les poules pondeuses, truies, veaux et lapins… Si elle passait, cette loi serait une véritable révolution dans le monde de l’élevage industriel, qui représente 80 % des animaux d’élevage.

Mais pour les militants de la cause animale, les récentes évolutions législatives intégrant davantage de « bien-être animal » ne vont pas assez loin. Un sondage réalisé par Ifop révèle que 83 % de la population française, toutes sensibilités politiques confondues, souhaite l’interdiction de l’élevage intensif. Soit autant que ceux qui souhaitent l’interdiction de la chasse le dimanche. Quant aux militants abolitionnistes, qui cherchent à mettre fin à toute forme d’élevage, ils sont chaque année plus nombreux, en écho à une opinion publique choquée par les insoutenables images des abattoirs.

En filigrane de cette évolution de l’opinion, notre humanité est ébranlée. Pouvons-nous disposer à notre guise des animaux ? Les maltraiter à l’infini ? Sont-ils nos alter egos ? Peut-on aimer les animaux et les manger ? Les observer dans un zoo ou un cirque est-il de la maltraitance ? Et pourquoi ne pas arrêter de « gérer » le monde sauvage ? Plusieurs voix philosophiques, naturalistes, sociologiques, s’élèvent dans ce nouveau numéro. De Florence Burgat à Dominique Bourg, en passant par Corine Pelluchon, Jean-Philippe Pierron, Jocelyne Porcher et le couple Kremer-Cochet, les réponses proposées divergent. Devenir végétarien·nes ou végétalien·nes, sortir de l’élevage intensif pour de l’extensif en diminuant drastiquement notre consommation de viande, donner de véritables droits juridiques aux animaux, laisser au sauvage sa place dans la nature... Quelles que soient les transitions collectives que nous choisirons, nous ne pouvons plus continuer ainsi.

« Nous n’avons jamais mutilé, tué, autant d’animaux qu’aujourd’hui. Alors que n’avons jamais eu autant de connaissances sur eux ni autant conscience du mal que nous leur faisons », souligne Florence Burgat. Chaque année, 70 milliards de bêtes sont abattues par l’être humain dans le monde. Ramené à nos pays européens, c’est près d’un milliard d’animaux en France l’an dernier, ou encore 700 millions en Allemagne. Les animaux d’élevage représentent 60% de la biomasse animale mondiale.  Comme l’exprime Caroline du Saint dans son enquête baptisée L’usine des animaux, diffusée mi-mars sur Arte, l’animal a perdu son statut d’être vivant pour devenir une matière première, un simple produit manufacturé. Il est grand temps de se souvenir des animaux que nous sommes...

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