Lors d'un « café climat », Arthur Keller a échangé sur la résilience territoriale avec de nombreux agents de la Ville de Marseille pour partager ses alertes et propositions. Sébastien Barles, adjoint au maire de Marseille, a présenté la feuille de route du projet Marseille Horizon 2030, un nouveau modèle écologique, avec des outils déjà mis en place. C'est une impulsion nouvelle pour Marseille dont la précédente équipe municipale n'avait pas vraiment pris le problème à bras-le-corps, notamment en ce qui concerne le logement. Sébastien Barles est l'auteur d'un ouvrage qui vient d'être publié aux éditions de l’Aube (octobre 2024) : Marseille 2030 : La ville des possibles, où il développe ce qu'il appelle « un nouveau récit » pour sa ville autour d’une écologie populaire. L'ingénieur et expert des risques systémiques et des stratégies de résilience réfléchit et partage ses réflexions sur les perspectives possibles après un choc ou une crise écologique inévitable.
D'emblée, Arthur Keller prévient son public : « Je vais rappeler des faits et des chiffres alarmants au début de ma conférence. Donc, si vous savez d'avance que vous ne pouvez pas rester jusqu'à la fin, pour entendre la dernière partie sur les solutions possibles, je vous conseille de partir tout de suite. » Avec le débit verbal rapide qui le caractérise, Arthur Keller mène ensuite sa conférence comme un marathon, à l'image du rythme qu'il faudrait adopter pour aller « vers la résilience ». En effet, il expose tout d'abord les raisons qui mènent à un effondrement, notamment le pillage des ressources naturelles qui s'épuisent : le pétrole, les minerais dont le cuivre, le sable nécessaire aux constructions et rénovations, etc. « La fin du pétrole bon marché, c'est la fin de l'industrie », affirme-t-il. « Notre empreinte écologique dépasse largement les capacités de notre planète. On dit que l'humanité est confrontée à une crise écologique, mais c'est exactement l'inverse : c'est la nature qui est confrontée à une crise humaine. On réduit la nature en déchets ! » La solution est collective Il pointe également notre manque de préparation et d'anticipation, car la plupart des solutions proposées actuellement peuvent paraître intéressantes, localement ou à court terme, mais fonctionnent en silo. Elles ne tiennent pas compte des problématiques globales et systémiques. Car, dit-il : « il n'y a pas de solution qui ne soit mondiale. » En effet, les vulnérabilités de notre système sont nombreuses, comme les flux mondiaux de transport maritimes qui passent par des passages obligés comme le Canal de Suez dont nous pouvons constater la fragilité. Idem pour les réseaux électriques ou informatiques, quand des hackers ou un virus peut bloquer le fonctionnement d'aéroports, d’hôpitaux, de grandes entreprises, etc. Donc selon lui, « il est trop tard pour éviter une catastrophe, mais il n'est pas trop tard pour éviter une catastrophe encore pire. Il faut réagir. ». Il invite chacun de nous à réfléchir à ce que nous voulons être demain : « héros ou lâche ? Et si on choisit d'agir, de penser autrement, de changer de posture, il faut construire des alternatives inspirantes ». Il pense que des solutions sont possibles à condition d'agir collectivement, comme se donner les moyens d'une autonomie territoriale : « Une sécurité sociale alimentaire permettrait de donner accès à l'essentiel garanti pour tous. » C'est ce qui permettrait une résilience telle qu'il l'entend, dans une approche systémique et territoriale. « Car un projet n'a d'avenir que s'il est dynamique. Et penser globalement fait gagner du temps », insiste Arthur Keller. Des initiatives concrètes et inspirantes Il s'agirait de systèmes de production alimentaire, d'eau potable, d'énergie, mais aussi de santé et de sécurité, dans un rayon géographique donné et avec un nombre d'habitants limité (en circuits courts). « Par exemple, la ville de Montpellier octroie les 15 premiers mètres cubes d'eau potable gratuitement à ses habitants. » Les filières et matériaux seraient biosourcés et utiliseraient des technologies sobres ou « low-tech ». Arthur Keller donne ensuite des exemples de mutations où des territoires ont commencé à se remettre en question. Ils peuvent inspirer d'autres territoires, comme le village alsacien Ungersheim qui est proche de l’autonomie, ou le verger collectif de Dompierre-sur-Yon en Vendée, les éco-constructions de Loos-en-Gohelle dans le Pas-de-Calais ou de Langouët en Ille-et-Villaine, etc. Il existe aussi bien d'autres initiatives à l'étranger. |