PLACE PUBLIQUE : "Nous souhaitons constituer une nouvelle force citoyenne"

Publié le ven 03/05/2019 - 16:06

Recueilli par Julien Dezécot

Militante écologiste de longue date, Claire Nouvian est cofondatrice de Place Publique, mouvement politique créé fin 2018, aux côtés du philosophe Raphaël Glucksmann, de l’économiste Thomas Porcher et de Jo Spiegel, maire de Kingersheim (68). Leur objectif : créer une liste d’union de la gauche pour les élections européennes de mai prochain.

Pouvez-vous nous présenter Place publique, le mouvement politique que vous avez cofondé cet automne, ainsi que ses objectifs ?

Place publique est un mouvement politique qui œuvre en faveur d’une action citoyenne, solidaire et écologique. Notre objectif à court terme est de rassembler la gauche au sein d’une liste opportuniste, à l’aune des élections européennes de mai prochain. Il s’agit pour nous d’éviter une nouvelle défaite. On ne demande pas une fusion à long terme. Car les divergences des partis, comme les socialistes, Generation. s, EELV, LFI... justifient l’existence d’appareils distincts. Mais, si l’on s’entend sur 80 % des sujets, alors je pense que nous ne devons pas prendre en otage les électeurs. À moyen et long terme, nous souhaitons constituer une nouvelle force citoyenne pour renouveler les codes de la politique, ancrée dans l’urgence écologique et citoyenne.

Quelles sont les propositions de Place Publique ?

Une liste de dix points a été proposée comme base de discussion aux autres partis. Citons entre autres : « L’écologie avant l’austérité » ; la suspension du CETA1 et des nouveaux traités de libre-échange ; la lutte contre les paradis fiscaux ; la lutte contre les lobbys ; une action juste pour un ISF européen... Cette liste a été développée et étayée sur place-publique.eu. Ces thèmes doivent servir de colonne vertébrale à un rassemblement aux européennes. Selon un sondage récent, près de 80 % des électeurs ne veulent pas avoir à choisir entre différents représentants, qui disent la même chose — ou presque — lors des élections. Place publique est un mouvement vraiment démocratique : on décide ensemble, même s’il existe toujours de la verticalité. Mais celle-ci est portée avec un mandat.

Qu’en est-il de vos discussions avec la France Insoumise et EELV ?

LFI et EELV nous ont dit non, pour l’instant. C’est dommage car, avec Yannick Jadot d’EELV et Manon Aubry chez LFI, qui vient de l’ONG Oxfam, nous partageons de nombreux combats. Nous continuons la discussion activement avec les socialistes et Generation. s, entre autres.
Les gens qui s’agrègent autour de nos valeurs partagent notre vision pour une UE solidaire, ainsi que la justice écologique et sociale partagée sur les territoires. La justice et le partage sont les clés de voûte de Place Publique. Car nous voulons lutter en priorité contre la croissance dite « inexorable » au détriment de la justice écologique et sociale. Car le travail de Thomas Piketty nous a montré que ces inégalités obscènes sont désormais quantifiées et qu’il nous faut les combattre pour rétablir la justice sociale et écologique. C’est une priorité absolue !

Comment souhaitez-vous inclure les citoyens dans ce changement radical ?

On a lancé le Café de la place, ou encore Place aux idées, qui s’est terminé le 8 février et a conduit à de nombreux rassemblements et des discussions dans toute la France. Il s’agit de remonter les propositions des citoyens au sein du mouvement. Lorsque l’on échange avec les citoyens en région, on partage l’information avec eux. Et l’on constate que ce qui leur fait peur — à juste titre — c’est bien la montée du populisme et le statu quo du libéralisme qui détruit la planète et le système social. Une transition radicale offre une perspective vraiment heureuse ! C’est le bonheur de penser qu’on va vraiment changer l’économie. Les incitations économiques, fiscales sont aujourd’hui calibrées pour encourager le capitalisme destructeur. Nous devons y mettre un terme.

« Si l’on ne fait pas de liste commune aux Européennes, alors on va se prendre la raclée du siècle ! »

Comment avez-vous réussi à négocier avec Intermarché, pour les contraindre à revoir leurs pratiques de pêche en eaux profondes ?
Nous sommes rentrés dans une négociation musclée au niveau de l’Union européenne, où le cadre législatif de la pêche se construit… Avec le temps, face à un modèle condamné par les citoyens et face au changement climatique, ils ont constaté qu’ils devaient changer et remettre en cause leurs pratiques, les volumes de pêche… Ce que nous avons réussi avec Intermarché, nous pouvons le mettre en œuvre avec d’autres multinationales.

Lors du rassemblement organisé par Place Publique à Montmartre fin janvier, auquel ont assisté 2000 personnes, plusieurs personnalités, dont Marie-Monique Robin, ont fustigé « l’ego des mâles ». Est-ce selon vous la clé de compréhension de la fin de non-recevoir que reçoit Place Publique auprès des leaders d’EELV, de Génération-s et de LFI ?

En effet, toute la soirée les femmes sont montées sur scène, toutes sont tombées d’accord et ont fait consensus autour d’un problème d’ego masculin. Je pense qu’il faut en effet se poser la question de savoir si certains sont suffisamment capables de distance critique à l’égard d’eux-mêmes… Ce qui est sûr : c’est que si l’on ne fait pas de liste commune aux Européennes, alors on va se prendre la raclée du siècle ! Et M. Macron va pouvoir se réjouir d’une gauche fragmentée et d’un RN fort. Ceux qui seront responsables de cela seront ceux qui auront refusé le rassemblement !

Alors que l’élection présidentielle a occulté l’écologie, pensez-vous que les Européennes ne feront pas l’impasse sur ce sujet crucial ?

Grâce au rapport du GIEC, une centaine de scientifiques du monde entier nous disent que c’est désormais la fin du monde si nous ne faisons rien !
Avec les phénomènes climatiques extrêmes, la prise de conscience est indéniablement en cours. La prise de conscience a eu lieu, c’est au moins ça. Désormais, il faut des actes. L’histoire retiendra ceux qui ont été capables de relever les défis, face à des enjeux que l’humanité n’a jamais eu à affronter. Dans ce contexte inédit, la seule issue c’est la coopération, l’entraide, la solidarité.

1Traité de libre-échange signé en 2016 entre le Canada et l’Union européenne.


Plus d’infos :
www.bloomassociation.org
place-publique.eu

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