L'égalité au travail, c'est pas encore gagné

Publié le mar 08/03/2016 - 15:56

Photographie : Gaëlle Voldy, gérante de la société Belle ligne en mer, à Belle-Île-en-Mer. Elle travaille en réseau avec Entreprendre au féminin en Bretagne.

Pour cette journée internationale de lutte pour les droits des femmes, nous republions un article paru à l'automne dans le numéro 17 de Bretagne durable, intitulé : "Femmes, à quand l'égalité ?"

Pour une femme, travailler est désormais devenu la norme. Les femmes dirigent et créent des entreprises. Pour autant, comme le soulignent les chercheurs, tous s'accordent sur un point : les inégalités professionnelles sont bien réelles. A fonction et compétences égales : 20 % de salaire en moins en moyenne ! Valoriser le care1 ou instaurer la mixité au rang de principe de justice, la société doit faire ses choix.

« On m'a proposé deux postes lors de cet entretien : l'un en direction, très bien payé. Et l'autre en assistanat de direction, moins bien payé mais à 3 jours par semaine. Comme je veux être disponible pour mes enfants, j'ai choisi le second. » Cette histoire, on la connaît tous. C'est celle de Marie, 34 ans, bac + 5 en management, qui met « un peu sa vie professionnelle de côté pour bien s'occuper de ses (mes) enfants ». Mais Marie est très consciencieuse et, finalement, elle accumulera les heures supplémentaires, pour bien faire son travail. In fine : une carrière professionnelle à l'arrêt, des difficultés financières, une maman qui court et une femme frustrée. Bref, une réussite !

« Autocensure »

Pour Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales et auteure de Petit traité contre le sexisme ordinaire (Albin Michel), il s'agit là « d'une deuxième forme de sexisme (ndlr, le premier revenant à la gente masculine à l’égard des femmes) : celui qu'on retourne contre soi-même. Cela veut dire que les femmes se limitent elles-mêmes, s'autocensurent, n'osent pas demander de promotion, d'augmentation. Comme si elles ne se sentaient pas assez légitimes pour le faire. » Mais attention, la féministe est loin de rendre les femmes responsables de cette situation, comme elel l'a expliqué dans un chat à nos confrères du Monde, au printemps dernier :

« Ce n'est pas une question de nature, mais c'est le poids de l'histoire. Les femmes sont de nouvelles entrantes sur le marché du travail. Elles n'ont pas encore la légitimité des hommes. »

D'ailleurs, les faits sont là. Selon le rapport de l'Organisation internationale du travail (OIT), intitulé « Femmes d'affaires et femmes cadres : une montée en puissance », paru en janvier 2015, dans 80 des 108 pays -pour lesquels des données sont disponibles- la proportion de femmes dirigeantes a augmenté pendant ces 20 dernières années. Pour atteindre aujourd'hui.... à peine 5%, pour les PDG des plus grandes sociétés mondiales. Plus l'entreprise est grande, plus il est rare qu'elle soit dirigée par une femme.

Loin des lieux de décision

Dans les entreprises, les conseils d'administration entièrement masculins sont monnaie courante. Mais leur nombre diminue, les femmes parvenant à atteindre 20% ou plus des sièges dans quelques pays, dont la France. Najat Vallaud-Belkacem, lors de son passage au ministère du Droit des femmes, a modifié le profil des entreprises concernées par la loi Copé-Zimmermann et l'obligation d'atteindre 40 % de femmes dans les conseils d'administration d'ici 2040 ; ainsi que 40 % de femmes entrepreneures.

Pour autant, l'économiste Hélène Périvier, chercheure à l'Observatoire français des conjonctures économiques, à Sciences Po, déplore toujours une insuffisance de femmes dans les lieux de prises de décision :

« Le pouvoir ne se concentre pas dans les conseils d'administration, mais dans les comités de direction ou les conseils décisionnels des entreprises. Or, les femmes y sont insuffisamment représentées ! »

Blocages structurels

Autre chiffre édifiant : les femmes sont payées, à travail et compétences égales, près de 20 % moins cher que les hommes. Quant à leur place sur le marché du travail après leur maternité, d’après l’étude SOS Préma-institut des mamans, 36 % des salariées du secteur privé sont stressées à l’annonce de leur grossesse. 28 % ont trouvé un accueil défavorable à leur retour de congé maternité et 19 % estiment que cette période a eu un impact négatif sur la perception de leurs compétences.

Et lorsqu'on arrive au pouvoir politique : « Sur 197 pays, seuls 11 chefs d'État et 13 chefs de gouvernement sont des femmes, alors qu’elles sont aussi nombreuses que les hommes dans la population. Cela peut être interprété avec Rousseau, comme l’expression de l’incapacité des femmes à être des êtres de raison et de pouvoir, ou comme le résultat de blocages structurels », résume Réjane Sénac, chercheure CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po, spécialiste du genre et des inégalités.

 

1Le care est un mot anglais qui n'a pas d'équivalent en français. Il s'agit d'avoir le «souci des autres » (être à l'écoute, assurer le suivi médical, nourrir...) : ses enfants, ses parents, sa famille...   

 

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