[INTERVIEW] Corine Martel : « Classes à l’extérieur : la crise sanitaire a provoqué un électrochoc »

Publié le ven 03/12/2021 - 09:00

Conseillère pédagogique départementale en sciences et éducation au développement durable, directrice du centre de ressources EducNature, Corine Martel contribue au développement des classes à l’extérieur au sein de l’Éducation nationale.

Est-ce que les classes à l’extérieur se développent au sein de l’Education nationale ?

C’est évident ! La crise sanitaire a provoqué un électrochoc et l’augmentation des demandes d’accompagnements pour mettre en place des classes à l’extérieur est réelle. A Montpellier par exemple, vingt groupes scolaires entiers s’y sont mis, contre cinq l’an dernier. L’Éducation nationale m’a missionnée pour créer des parcours magistères sur le site Canopée afin d’aider les enseignants à développer des apprentissages à l’extérieur. En collaboration avec l’université de Montpellier, nous avons lancé une étude sur la pédagogie active dans la nature et les apprentissages. Mais, dans le livre que nous allons publier chez ESF Editions (« Enseigner par et avec la nature, la révolution pédagogique du XXIème siècle »), nous montrons que tout cela date d’il y a très longtemps, dès 1860 avec des associations d’éducation populaire. On ne réinvente pas tout. 

Quelle est la différence entre la classe à l’extérieur et les traditionnelles classes vertes ?

Avec les enseignant·es, on essaye de mettre en place des sorties au moins une fois par semaine, avec régularité, pas juste une fois. En se basant sur des pédagogies actives, qui font sens pour l’élève, à partir d’éléments qu’on trouve dans la nature, on peut aborder tous les items du programme, pas seulement ce qui est en lien avec le développement durable.

En quoi être dans la nature améliore la façon d’apprendre ?

Des études canadiennes et belges montrent qu’en allant dans la nature, les enfants apprennent mieux et surtout gagnent en apaisement dans la classe, ce que je constate en travaillant beaucoup en Rep+ (éducation prioritaire, NDLR). On se retrouve dans les apprentissages concrets, par exemple en observant les insectes pour de vrai. L’affect et le corps entrent en jeu aussi : en manipulant et en étant dehors, l’enfant retient plus facilement ce qu’il a appris et peut mieux faire des liens entre les choses. En n’étant pas contraint toute la journée à rester assis sur sa chaise, en pouvant se mouvoir, l’enfant prend davantage conscience de lui-même, s’accepte mieux et donc accepte mieux l’autre. L’éducation morale et civique se travaille plus facilement puisqu’on est dans des situations concrètes.

On constate aussi une meilleure réussite des filles, grâce à des apprentissages moins genrés que dans un endroit déjà très normé : un bâton n’est pas une voiture ou une poupée. Des études canadiennes montrent même que le taux de réussite des filles augmente de 20% quand elles se retrouvent dans un milieu naturel et que cela favorise leur orientation ultérieure vers des études scientifiques. 

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