[ LOCMÉLAR ] - Le retour d'un commerce et d'un lieu de vie

Publié le mar 18/06/2019 - 15:45

Par Virginie Jourdan

Au cœur du Finistère, au pied des Monts d’Arrée, la petite commune de Locmélar s’apprête à rouvrir un bistrot. Disparue depuis le milieu des années 1970, cette activité commerciale de proximité parie sur une petite épicerie, un bar et des animations coconstruites avec les habitants.

Sur la place de l’église de Locmélar, commune située au pied des Monts d’Arrée, le camion d’un électricien stationne devant l’ancienne maison paroissiale. À l’intérieur, la rénovation avance à grands pas. Après quatre chantiers participatifs ouverts aux habitants, les professionnels ont pris le relai. Dehors, un voisin regarde le chantier qui a débuté quatre mois plus tôt. « Ça avance ? », se renseigne-t-il auprès de Florian Jéhanno, 32 ans, et de Margot Neyton, 29 ans, les futurs cogérants du lieu. Puis il demande s’il y aura des concerts et une possibilité de manger sur place. La réponse est en tout point positive et s’ensuit une visite des lieux. D’ici le début de l’été, Florian et Margot vont ouvrir un bistrot-épicerie dans cette ancienne bâtisse rachetée pour l’occasion par la mairie de Locmélar.

Convergence d’attentes

Attendu par la population, ce retour du bistrot-épicerie est le fruit d’une convergence d’attentes. Fin 2014, un diagnostic initié par le pôle d’économie sociale et solidaire du pays de Morlaix, l’Adess, révèle que les habitants aimeraient voir revenir un commerce de proximité et un lieu de rencontre. « Nous avions ce projet en tête, mais plutôt à partir du mandat de 2020, car ce mandat est déjà bien chargé avec le suivi de 9 nouveaux logements », confie Pierre-Yves Moal, maire de cette commune de 475 habitants, située entre Landivisiau et Sizun, deux villes du cœur du Finistère qui comptent respectivement 8 000 et 2 000 habitants.

Depuis les années 1970, les commerces ont déserté Locmélar. Garage, restaurant, bar, boulangerie... Aucun n’a résisté aux transformations de l’économie et à l’exode rural. À surfaces cultivées égales, le nombre d’agriculteurs s’est réduit comme peau de chagrin. Des quarante-cinq exploitations agricoles qui existaient alors, il n’en reste plus que dix. Situé sur le circuit des enclos paroissiaux et sur des sentiers de randonnées rejoignant les Monts d’Arrée au sud, le bourg reste un lieu de passage.

« Nous sommes sur un dynamisme démographique modéré, mais pas en décroissance. Nous avons 50 élèves dans l’école publique, son ouverture reste assurée », se réjouit Pierre-Yves Moal. Pour lui, l’épicerie est une « occasion de redonner de la vie au bourg ».

La rencontre avec Florian et Margot va enclencher le reste. À cette époque, le couple réalisait un tour de France des bistrots ruraux dans le but de monter leur propre projet. À leur passage dans le Finistère, l’Adess les met en contact avec les élus de Locmélar. Depuis deux ans, le couple a posé ses valises ici et a multiplié les rencontres. « Il nous a fallu six mois pour apprendre à nous connaître avec les habitants et être sûrs que nos envies coïncidaient », raconte Margot. Comme son compagnon Florian, la jeune femme a travaillé dans le montage de projets équitables et solidaires en Loire-Atlantique. « Notre envie, c’était le bistrot avant tout. Mais finalement, il y aura aussi des ateliers proposés par les habitants eux-mêmes ou par des associations : des concerts, des expositions d’artistes, du conte. Nous voulions personnellement vivre à la campagne, dans un petit village », poursuit-elle.

"Du bien manger et du bien-vivre", c'est le projet que portent Margot et Florian. Pour ce lieu, le nom "Le mélar dit" signifie "Jt'e raconte pas" en breton parlé.

« L’épicerie est l’occasion de redonner de la vie au bourg »

Pierre-Yves Moal, maire de Locmélar.

« Margot et Florian ne sont pas originaires de notre région. Cela apporte quelque chose de nouveau », confie Gwenola Coadou, 39 ans et habitante de Locmélar. Dans l’épicerie, elle espère participer à des cours de cuisine, voire les animer. De son côté, Thierry Coursin, menuisier, a choisi de représenter les habitants « amis » du bistrot dans le collège des habitants et des clients de Scic, la société coopérative d’intérêt collectif qui a été créée pour porter l’épicerie (lire encadré page 25). Dans cette société à la fois commerciale et coopérative, trois autres collèges, qui regroupent les parties prenantes du projet, représentent la mairie, les partenaires fournisseurs et les deux gérants.

Des épiceries rurales et originales

En Bretagne, il existe d’autres initiatives de nouvelles épiceries rurales. « Certains bars proposent des dépôts de paniers, des projets sont portés par des associations, des communes ou des personnes isolées », explique Brieuc Poirier de la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire de Bretagne (Cress). En recrudescence, ces épiceries sont une alternative à la concentration des commerces dans les zones périphériques des villes. C’est le cas d’Elocop (épicerie locale et collaborative de Pleyber), créée en 2013 à Pleyber-Christ (Finistère), pour répondre à la disparition de l’unique moyenne surface présente dans le bourg. « Il n’y avait plus de boucherie, juste une boulangerie », explique Sandrine Le Feur, agricultrice, cofondatrice d’Elocop et par ailleurs députée LREM de la 4e circonscription des Côtes-d’Armor. À ce jour, trente-sept producteurs locaux, soutenus par des consommateurs, livrent produits alimentaires et d’hygiène au gré des commandes. D’ici trois mois, leur boutique ouvrira deux jours par semaine dans la commune. Autre exemple ? Celui de la Caravrac, un petit commerce itinérant, créé par Émilie et Mathias Montigny, qui sillonne les routes du Morbihan et de l’Ille-et-Vilaine. Au programme : du vrac et tout ce qu’il faut pour le quotidien. Le tout, produit en local. Pour ces deux anciens travailleurs sociaux, l’objectif est double : proposer une alimentation de qualité tout en luttant contre « la précarité grandissante » et « l’isolement social et géographique » qu’ils observent en milieu rural.

La commune et les futurs gérants du lieu ont choisi la forme de la Scic pour l'épicerie. Avec cette société coopérative d'intérêt collectif, la mairie, les gérants, les usagers et les fournisseurs partenaires volontaires pourront s'investir dans son fonctionnement.

Une ouverture pour l’été

Ces réalités économiques et sociale locales, Margot et Florian y sont très attentifs. Avant de se remettre à travailler, ils passent voir Alice Rolland-Couqueberg, l’une des maraîchères qui est entrée dans le collège « fournisseurs » de la Scic. Installée depuis un an à Guimiliau, elle a très vite rejoint l’aventure. « C’est un débouché de plus pour moi. Et lors des animations, je pourrai rencontrer des clients. Si je parviens, en plus, à proposer de bons légumes et démontrer que ça ne revient pas plus cher que d’aller au supermarché, j’aurais tout gagné. » Après avoir constaté la bonne pousse des oignons verts qu’ils ont plantés ensemble chez Alice, Margot et Florian regagnent leur bourg. Dans le bistrot, le bruit des travaux s’est tu et reprendra de plus belle le lendemain. Fin de chantier et ouverture annoncée pour le 21 juin 2019. Une entrée dans l’été qui sonnera comme un renouveau pour la commune.


Plus d’infos : www.mairie-locmelar.fr

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