[THÉMA] Eau : À ressource contrainte, sobriété forcée. L’exemple de Portiragnes

Publié le mer 26/07/2023 - 10:00

Par Anna Sardin

Labellisée « Commune économe en eau » en 2013, la ville littorale est une vraie championne des économies. Ses ressources fragiles couplées à sa forte attractivité touristique l’ont poussée depuis longtemps à un usage parcimonieux de l’or bleu.

 

Portiragnes est une station balnéaire ensoleillée du sud de l’Hérault. Entre Béziers et le Cap d’Agde, en plein milieu de l’arc méditerranéen, ses quelque 3 000 résidents à l’année se transforment dès les beaux jours en 30 000 habitants. Autant de personnes qui utilisent douches, toilettes et piscines, augmentant d’autant la consommation d’eau de la commune. Dès 2012, le secteur est classé en ZRE, zone de répartition des eaux, caractérisée par une insuffisance de la ressource en eau par rapport aux besoins, et ce, tout au long de l’année. En cause : la fragilité de la nappe astienne, la seule ressource en eau douce de la commune, déjà exploitée à ses limites.

30 % d’économies d’eau depuis 2018

C’est cet état dit de « déficit quantitatif chronique » qui a poussé la commune à se lancer très tôt dans la sobriété en eau. Depuis 2018, elle a réalisé 30 % d’économies sur les consommations des services communaux. Aujourd’hui, Le volume d'eau annuel qui leur est nécessaire est d'environ 14 000 m3 d'eau potable et 9 000 m3 d'eau brute(1), soit la consommation annuelle d’à peine 200 foyers moyens(2). Encourageant, ce résultat a demandé aux services de la ville un travail de longue haleine : les pelouses ne sont plus arrosées, les arbres et les plantes sont choisis pour leur acclimatation aux températures locales, un paillage est systématiquement réalisé. Quant au stade de foot, il est arrosé avec l’eau du Bas-Rhône plutôt qu’avec l’eau potable de la nappe. « Cette année, nous allons également supprimer les pédiluves, qui ont remplacé depuis longtemps les douches de plage », complète Gwendoline Chaudoir, la maire.

À cela s’ajoute une vigilance sur les fuites, grâce à la formation des agents des services techniques et à la mise en place de dispositifs de prévention : écoute des tuyaux, télérelève sur les bâtiments communaux, compteurs intelligents, etc. L’élue locale illustre : « Il y a peu de temps, nous avons eu une fuite très importante au niveau du centre de loisirs. Déclencher une intervention rapide nous a permis d’économiser des centaines de m3 d’eau. ». La réfection des canalisations et l’entretien constant du réseau d’eau permettent en outre à la ville d’afficher « 90 % de rendement d’eau de réseau, ce qui est plus élevé que la moyenne nationale, autour de 80 % », se félicite l’édile.

Anticiper demain

Autant de mesures nécessaires pour réduire la pression de Portiragnes sur son unique source d’eau. D’autant plus que la ressource est fragile : « Aujourd’hui, si on avait un problème de pollution ou d’infiltration d’eau salée dans la nappe, ce serait dramatique », redoute la maire. Et la ville d’anticiper des conditions climatiques moins clémentes encore : elle travaille sur la désimperméabilisation et la végétalisation des places, des avenues et des cours d’école, pour que l’eau de pluie puisse ruisseler et retourner dans la nappe. Dernier chantier en date : plancher sur une solution de réutilisation des eaux chlorées des piscines des campings, qui sont légion sur la côte.


L’interconnexion des réseaux, l’autre solution ?

La commune de Portiragnes est dite « orpheline » : son eau douce est issue d’une unique source, la nappe astienne. Quoique très qualitative, cette réserve d’eau se recharge lentement. Cette année, à la fin du mois d’avril, son niveau équivaut à celui de la mi-juin 2022. Une situation très préoccupante pour la municipalité, qui tente de sécuriser son approvisionnement en se raccordant à l’Orb, le cours d’eau alimentant les villes voisines. C’est aussi ce que tentent de faire les communes de Molières-sur-Cèze et Seillans, toutes deux dépendantes d’une ou deux sources qui pourraient leur faire défaut. Relativement longue, coûteuse, et nécessitant une coordination politique sur le partage de l’eau, l’interconnexion des réseaux permet pourtant une vraie résilience des territoires. Elle est aussi un moyen d’éviter les pénuries totales, notamment en eau potable.


(1) Non potabilisée.
(2) 120 m3/an pour 2,5 personnes, selon l’INSEE.

Plus d'infos :

Syndicat mixte d’études et de travaux de l’astien, qui gère la nappe phréatique : astien.com

Sur les ZRE : www.rhone-mediterranee.eaufrance.fr

 

Garantissez l'indépendance rédactionnelle et financière de Sans transition !