[BLOOM] Le Conseil régional de Bretagne s’oppose à la protection de l’océan et du climat

Publié le lun 22/04/2024 - 10:15

Le 19 avril en fin de matinée, le Conseil régional de Bretagne devait se prononcer sur son ambition climatique et sa responsabilité vis-à-vis de l’effondrement de la biodiversité via un vœu déposé par les Écologistes de Bretagne appelant le gouvernement français à mettre en place des aires marines réellement protégées en y interdisant les techniques de pêche destructrices telles que le chalutage de fond ou la senne démersale.

Ce vote aurait dû marquer un tournant majeur en matière la protection de l’océan et de transition sociale-écologique de la pêche, à l’instar de la Grèce qui a annoncé cette semaine suivre les alertes scientifiques et les injonctions européennes et en conséquence a décidé d’interdire le chalutage de fond dans l’ensemble de ses aires marines protégées. Mais, en dépit d’une mobilisation citoyenne massive, de l’appel publié hier par 260 scientifiques français pour créer de vraies aires marines protégées sans chalutage, la majorité du Conseil régional de Bretagne et son Président de gauche Loïg Chesnais-Girard ont poursuivi leur travail de sape de toute ambition écologique en rejetant ce vœu, consacrant à nouveau l’emprise du lobby du chalut sur les processus démocratiques.

"Le débat précédant le vote a donné une image irresponsable des élus de la région Bretagne " a déploré Swann Bommier, responsable du plaidoyer chez BLOOM. "Les conseillers n’ont fait aucune mention de l’urgence environnementale, des recommandations scientifiques internationales et du cadre légal européen… C’est comme si les élus vivaient dans une capsule temporelle climatosceptique coincée au 20ème siècle. Ce n’est pas du tout à la hauteur des enjeux et démontre une incapacité à gouverner, à prévoir, à accompagner. Au lieu de travailler les dossiers sur le fond, ils mettent toute leur énergie à calomnier les ONG. Leur posture et leur manque de sérieux sont très inquiétants pour les citoyens."

L’océan est aujourd’hui au bord de l’effondrement : surexploitation chronique des populations de poissons, destruction des écosystèmes marins, pollution plastique, canicules marines, multiplication des "zones mortes" privées d’oxygène, acidification, disparition des courants marins…  

Conserver un océan en bonne santé est vital : l’océan produit la moitié de l’oxygène sur Terre et absorbe jusqu’à un tiers de nos émissions de CO2. Selon le panel intergouvernemental sur la biodiversité (IPBES), la pêche industrielle est l’activité ayant eu l’impact le plus important sur la biodiversité marine au cours des cinquante dernières années.  

GIECIPBESUICN… il existe un consensus scientifique international très net pour mettre en place un réseau cohérent et efficace d’aires marines protégées afin de lutter contre le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité. 

Recommandations internationales et objectifs européens de protection de l'océan

Lors de la COP15 sur la biodiversité qui se tenait à Montréal en décembre 2022, la communauté internationale s’est engagée à protéger 30% de nos eaux.   

La Commission européenne publiait dans la foulée un “Plan d’action pour l’océan” appelant tous les États européens à protéger 30% de leurs eaux, dont un tiers sous "protection stricte". La Commission européenne encourageait aussi les États à suivre les recommandations de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) afin qu’ils interdisent le chalutage de fond dans les aires marines protégées, c’est-à-dire qu’ils y interdisent la technique de pêche la plus destructrice qui consiste à racler de lourds filets sur les fonds marins en détruisant et en attrapant tout sur leur passage. 

Dans ce contexte, que fait la France ? 

Rien.   

Pis. Elle régresse : elle ment, elle trompe, elle intimide pour que rien ne bouge. 

Tout d’abord, la France ment en affirmant, comme le faisait le Secrétaire d’État Hervé Berville en novembre sur le plateau de France 2, qu’aucun navire usine n’y opère. C’est faux. Cet hiver encore, des chalutiers de plus de 80 mètres opéraient dans les AMP de Manche et Mer du Nord. Cela a été documenté dans un documentaire de Jean-Pierre Canet, entre autres. 

Ensuite, la France trompe. Sur le papier, nous avons bien atteint les 30% d’aires marines dites "protégées". Mais à quoi servent-elles concrètement ? A rien, si ce n’est permettre à la France, et à Emmanuel Macron en particulier, de faire du greenwashing. La prestigieuse revue scientifique Nature a d’ailleurs dénoncé dans un éditorial au vitriol l’hypocrisie française qui menace les océans du monde. Hervé Berville, Secrétaire d’État à la Mer, expliquait d’ailleurs au Sénat il y a un an que la France était "totalement, clairement, fermement" opposée à l’interdiction du chalutage de fond dans les AMP françaises, opposée aux objectifs européens.  

Enfin, la France intimide. Nous avons appris ce lundi dans le Financial Times que, non contente de soutenir aveuglément le chalutage de fond en France, elle intimide les États européens qui daignent protéger leurs eaux de cette pêche destructrice. La France vient de forcer la Commission européenne à organiser une réunion avec le Royaume-Uni pour que Londres renonce à interdire le chalutage dans certaines de ses AMP. 

Face à cela, 260 scientifiques incarnant la rigueur et l’excellence de la recherche française dans le domaine des sciences de l’océan viennent de publier une tribune dans Le Monde appelant à interdire la pêche industrielle dans les aires marines protégées, conformément aux recommandations de l’UICN.

Ce qui se jouait au Conseil Régional de Bretagne

La Bretagne est devenue, au fil des ans, le fief du lobby du chalut, comme l’ont souligné Le Monde et Médiapart

Grâce à un vœu des Écologistes de Bretagne, le Conseil régional de Bretagne avait l’occasion de rompre l’alliance mortifère qui s’était nouée entre la Bretagne et ce lobby et signaler au gouvernement que le verrou imposé par le lobby du chalut sur la politique publique française en matière de protection de l’océan avait sauté. 

Le Conseil régional de Bretagne avait également l’occasion de signaler au gouvernement que les élus de Bretagne prennent les recommandations scientifiques, nos engagements internationaux et les objectifs européens au sérieux. 

Enfin, le Conseil régional de Bretagne avait l’opportunité d’engager la transition écologique et sociale de la pêche française en faveur des écosystèmes marins et de la pêche artisanale qui présente une performance environnementale, sociale et économique bien supérieure à celle des flottes utilisant le chalut et la senne de fond. (Cf notre rapport "Changer de Cap").

Le Conseil régional avait donc l’occasion d’offrir un véritable avenir à l’océan et aux pêcheurs artisans.  

Deux mois après avoir dénoncé publiquement et appelé au retrait de la Feuille de route halieutique bretonne 2024-2027 qui déroule un tapis rouge à la pêche industrielle, BLOOM organisait à ce propos une manifestation devant le Conseil régional de Bretagne à la veille du vote, le jeudi 18 avril, afin d’appeler les élu.es bretons à la responsabilité. 

Le refus assumé de protéger l'océan, une volonté ferme de protéger le lobby du chalut

En amont du vote, des élus bretons avaient lancé une diatribe anti-ONG pour se justifier de défendre l’indéfendable : soutenir les pêches ravageuses condamnées par la science, au moment même où la Grèce vient d’annoncer à la conférence internationale “Our Ocean” qui s’est tenue à Athènes interdire le chalutage de fond dans toutes ses aires marines protégées, conformément aux objectifs européens et internationaux en la matière.  

A l’issue des débats, le vote était sans appel : une majorité d’élus bretons unis dans leur défense du chalutage de fond a rejeté le vœu des Écologistes de Bretagne.

A ce jour, ce sont donc le GIEC, l’IPBES, l’UICN, plus de 100 000 citoyens, 260 scientifiques français, et plus de 100 associations, fondations et personnalités publiques réunies au sein de la “coalition citoyenne pour la protection de l’océan” qui demandent la protection effective de l’océan et l’interdiction du chalutage de fond dans nos aires marines dites “protégées” qui sont méprisés par les élus bretons. 

Devoir supplier les élus pour obtenir qu’ils agissent pour la protection du climat, de l’océan et donc de notre avenir est anormal. BLOOM a donc pris ses dispositions pour agir en justice contre l’irresponsabilité politique.

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