Évasion fiscale : on arrête quand ?

Publié le ven 11/05/2018 - 15:00

Après tous les scandales révélés par les LuxLeaks, SwissLeaks, Panama Papers et Paradise Papers, quelques mesures ont été prises par le gouvernement français. Mais on est encore très loin du résultat attendu par tous les citoyens pour faire cesser les inégalités face à l’impôt.

Par Magali Chouvion, Julien Dezécot et Virginie Jourdan


LUTTE ANTI-ÉVASION : LA LENTE MACHINE

Chaque année, les montants de l’évasion fiscale atteignent avec certitude des dizaines de milliards d’euros. Si les récents scandales ont mis en lumière ses rouages, les moyens de la combattre tardent à être mis en œuvre. Enquête.

Par VJ

La combattre, sûrement. La supprimer, c’est une autre question. En mars dernier, le gouvernement français a présenté ses mesures pour lutter contre la fraude fiscale. Création d’une police spécialisée chargée de débusquer les grands fraudeurs, publication des noms des entreprises condamnées (« name and shame »), le projet entend aussi s’attaquer à l’évasion fiscale de grandes fortunes et de multinationales en ciblant les cabinets de conseils qui se chargent de l’organiser via des montages juridiques complexes. Un nouveau pas jugé sérieux. « L’affaire Cahuzac et les Panama Papers ont agi comme un détonateur. Les pouvoirs publics ne peuvent plus ignorer la prise de conscience générale du coût de la fraude et de l’évasion »,juge Anne Guyot-Welke, porte-parole du syndicat Solidaires-Finances publiques. En attendant de jauger l’efficacité réelle des mesures, les pratiques se poursuivent. Ironie de contexte, un procès en correctionnel touchant à l’évasion fiscale est prévu le 7 juin prochain à Carpentras, dans le Vaucluse. Il ne sera pas directement celui de fraudeurs, mais celui d’une militante, Nicole Briend, proviseure de lycée à la retraite et militante au sein des Faucheurs de chaises. En mars 2016, cette dernière en a exfiltrées trois dans une agence bancaire de la BNP à Carpentras pour dénoncer les pratiques d’évasion fiscale. Du gros poisson pour la justice, quoi !

UN SYSTÈME CONNU ET RÔDÉ


Campagne de communication Oxfam pour dénoncer l’évasion fiscale. Selon l’ONG, « En 2010, les pays en développement ont vu s’envoler plus de 850 milliards de dollars de flux illicites vers les paradis fiscaux, soit 10 fois les montants d’aide internationale qu’ils ont reçus cette même année. » © Oxfam

Désormais bien connue, les différences facettes de l’évasion coûtent cher aux politiques publiques et à la solidarité nationale. En France, un rapport du Sénat de 2012 estime que pour la seule évasion fiscale, le manque à gagner annuel atteint entre 30 à 36 milliards d’euros pour les finances publiques. C’est presque trois fois plus que le déficit de la Sécurité sociale la même année. Mis à jour fin 2017, un rapport du Syndicat Solidaires-Finances publiques estime quant à lui que ces pratiques, ajoutées à celle de la fraude, atteindraient 60 à 80 milliards d’euros par an en France.

L’Union européenne n’est pas épargnée. D’après une commission d’enquête du Parlement européen, quelque 1000 milliards d’euros de recettes fiscales et sociales échapperaient chaque année aux États européens. De quoi couvrir l’ensemble des dépenses de santé des 28 pays de l’Union. Dans les deux tiers des cas, cette évasion est le fait des entreprises. « L’existence de paradis fiscaux qui permettent cette évasion nuit aussi aux budgets des États du Sud qui collectent de très faibles parts d’impôts sur les sociétés et ne peuvent pas assurer leur développement de manière autonome »,explique Lison Rehbinder, chargée de plaidoyer financement du développement au CCFD-Terre solidaire, organisation de solidarité internationale.

DES MULTINATIONALES, DES BANQUES, DES ÉTATS

Engagée dans la lutte contre la corruption et pour l’annulation de la dette des pays du Sud, le CCFD-Terre solidaire a œuvré, dès 2005, à la création de la Plateforme des Paradis Fiscaux et Judiciaires. Aujourd’hui, 19 organisations de la société civile française dont Attac, Anticor ou le syndicat de la magistrature, s’y retrouvent pour dénoncer les mécanismes de l’évasion. « Paradis fiscaux, niches fiscales ou juridiques, secret bancaire, il y a beaucoup d’ingrédients dans l’évasion fiscale », liste Dominique Plihon, universitaire, économiste et actuel porte-parole d’Attac. Compliqués à détricoter, certains mécanismes pour échapper à l’impôt sont maintenant connus : secret bancaire dans la constitution autrichienne, niches juridiques au Panama et dans les îles Caïmans qui permettent à des multinationales de dissimuler des capitaux en créant des sociétés-écrans masquant l’identité du propriétaire réel.« Au Luxembourg, en Irlande ou aux Pays-Bas, les États peuvent aussi mettre en place des rescrits fiscaux »,explique Dominique Plihon. Grâce à ces accords confidentiels, de grandes multinationales échappent quasiment à l’impôt, comme ce fut le cas pendant plus de 10 ans pour Apple en Irlande. Amende demandée pour « cet avantage fiscal »jugée illégale par la Commission européenne : 13 milliards d’euros (voir encadré).

Les banques sont aussi au cœur du système. En 2013, les investigations du Consortium international des journalistes d’investigation sur les Offshore Leaks, ont mis en cause BNP Paribas et le Crédit Agricole pour avoir facilité la dissimulation de comptes en banque de leurs clients aux îles Caïmans.


Le lundi 12 février, le Tribunal de Grande Instance de Paris a débouté la multinationale Apple qui avait demandé l’interdiction des manifestations organisées par Attac pour dénoncer l’évasion fiscale. © Brice Legall

DES AVANCÉES AU NIVEAU EUROPÉEN

« Les enquêtes demandent du temps et des moyens humains, techniques et juridiques importants. Les schémas d’organisation de l’optimisation fiscale sont extrêmement longs à détricoter »,illustre Anne Guyot-Welke, porte-parole du syndicat Solidaires-Finances publiques. Située au cœur des enquêtes, la syndicaliste regrette un manque de moyens criant dans son ministère mais affirme que des progrès juridiques sont au cours. Au niveau européen, deux nouvelles directives proposées par la Commission veulent lutter contre l’évasion fiscale des géants du numérique, les GAFA. Depuis 2013, au niveau européen, banques et établissements financiers ont l’obligation de fournir des informations sur leurs bénéfices, chiffres d’affaires et nombre de salariés pays par pays. Depuis 2015, l’Organisation de coopération et de développement économiques et le G20 ont aussi mené le projet BEPS. Son objectif ? Équiper les gouvernements d’instruments nationaux et internationaux pour s’assurer que les profits des multinationales soient taxés dans le même État que celui dans lequel ils sont générés. Parmi les 15 actions préconisées : l’encadrement des« prix de transfert »très prisés par les multinationales pour exporter leurs profits vers des territoires à fiscalité zéro. Salué comme une avancée lors de son adoption en 2015 à Lima, le BEPS est jugé « insuffisant »par la majorité des organisations de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires.

En juin 2017, ces dernières ont à nouveau plaidé pour une plus grande transparence et une harmonisation fiscale. Elles demandent notamment la « confidentialité »des informations des multinationales réservées à la seule administration fiscale, un seuil unique minimum d’impôt sur les sociétés qui taxe les profits cumulés des maisons mères et de toutes leurs filiales. Autre demande, la levée du « verrou de Bercy »qui laisse au ministère des Finances la responsabilité – ou non – de déposer plainte au pénal contre une entité soupçonnée de fraude fiscale (en somme, c’est aujourd’hui Bercy qui décide si une entité doit être poursuivie en Justice ou pas, ndlr). « En finir avec ce verrou, c’est actionner un levier pour exiger plus de transparence »,insiste Elsa Foucraut, responsable plaidoyer de Transparency International France.

Les associations de la Plateforme ne sont pas les seules à en appeler à l’action. En janvier dernier, onze députés communistes ont proposé de mettre en place une liste noire française « crédible »des paradis fiscaux. Un contre-pied à la sortie, sans débats préalables, du Panama et de sept autres États de la toute jeune liste noire des paradis fiscaux établis par l’Union européenne fin 2017. Le projet a été renvoyé en commission parlementaire. « Il faut quand même saluer cette initiative de liste noire française »,insiste Dominique Plihon. Pour lui, « la pression »doit être maintenue sur le sujet. Car, estime-t-il, en matière d’évasion fiscale « les mécanismes sont connus, les solutions existent, il ne manque plus que la volonté politique. »

Plus d’infos :
Les préconisations de la plateforme Des paradis fiscaux et judiciaires : www.stopparadisfiscaux.fr/nos-propositions/article/les-16-recommandations-de-la-plateforme
Le livre noir des banques, ATTAC & Basta !, édition Les Liens qui libèrent, 320 pages, 21,50 euros.


L’ÉVASION FISCALE EN CHIFFRES

21 à 32 : en billions de dollars ; soit 21 000 à 32 000 milliards de dollars de fortunes personnelles seraient localisés dans des paradis fiscaux dans le monde. C’est entre 1 et 1,6 billion de dollars qui transiterait illégalement chaque année. À titre de comparaison, le PIB mondial s’élevait en 2015 à 73,5 billions de dollars (source, Tax Justice Network, 2015).

1 000 : en milliards d’euros ! Il s’agit de l’économie non soumise à l’impôt chaque année au sein des 27 membres de l’Union Européenne, soit 19,2 % du PI (source : Commission européenne, 2012).

60 à 80 : en milliards d’euros. C’est la somme qui disparaît chaque année de France par l’évasion fiscale des particuliers et entreprises, soit l’équivalent du déficit budgétaire de l’État français (source : syndicat Solidaire-finances publiques, 2012)

25 : en milliards d’euros également. C’est la part de bénéfices des banques européennes réfugiés dans des paradis fiscaux – et donc non soumis à l’impôt – en 2016. 20 banques sont concernées, dont 5 françaises : BNP Paribas, Banques Populaires Caisse d’Epargne, Crédit Agricole, Société Générale et Crédit Mutuel (source : Oxfam)

10 : quand 1 euro d’aide publique au développement arrive du Nord, 10 euros s’échappent des pays du sud vers les paradis fiscaux (source : CCFD-Terre Solidaire).


« LES PARADIS FISCAUX TUENT DANS LES PAYS PAUVRES »

En 2010, les pays en développement ont vu s’envoler plus de 850 milliards de dollars de flux illicites vers les paradis fiscaux, soit 10 fois les montants d’aide internationale qu’ils ont reçus cette même année, selon l’ONG Oxfam. Elle illustre : « rien qu’en 2012, le Niger a perdu 16 millions d’euros à cause des exonérations de TVA accordées à Areva, l’entreprise qui exploite l’uranium du pays depuis plus de 40 ans ». Dans les pays du Sud, les administrations fiscales sont particulièrement faibles face aux moyens des grandes multinationales. Elles ne peuvent lutter contre la fraude et l’évasion fiscales qui représentent pourtant un manque à gagner insoutenable : jusqu’à la moitié du budget national (comme au Ghana par exemple) ! Ce sont là des hôpitaux et des écoles qui ne fonctionnent pas, ou ne seront jamais construits. Selon CCFD-Terre Solidaire, on pourrait « éradiquer 5 fois la faim dans le monde avec l’argent qui s’échappe des caisses des pays du Sud. »


LEXIQUE 

Évasion fiscale
L’évasion fiscale relève à la fois de l’optimisation et de la fraude. Selon le Conseil des prélèvements obligatoires, il s’agit de « l’ensemble des comportements du contribuable qui visent à réduire le montant des prélèvement dont il doit normalement s’acquitter. S’il a recours à des moyens légaux, l’évasion entre alors dans la catégorie de l’optimisation. À l’inverse, si elle s’appuie sur des techniques illégales ou dissimule la portée véritable de ses acteurs, l’évasion s’apparente à la fraude ». L’évasion fiscale concerne aussi bien les particuliers que les entreprises.

Fraude fiscale
La fraude consiste à contourner volontairement la législation fiscale.

Optimisation fiscale 
Il s’agit d’utiliser la législation dans le but d’échapper à l’impôt par différents moyens légaux (régimes dérogatoires, utilisation de niches fiscales…). Contrairement à la fraude, l’optimisation est légale même si sa légitimité ou son efficacité peuvent être contestées.

Paradis fiscal
Les paradis fiscaux sont des États souverains ou des dépendances autonomes d’autres pays (Jersey, îles Caïman…) dits « non-coopératifs ». Ils offrent un abri à des non-résidents souhaitant échapper à l’impôt. Ces territoires de taille réduite, en imposant très faiblement de nombreuses grosses fortunes, en tirent des ressources très élevées relativement à leur taille.

Évasion de capitaux
C’est l’exportation (souvent clandestine) ou le maintien à l’étranger de capitaux que leur détenteur souhaite soustraire à la politique économique et fiscale de son pays. L’évasion de capitaux est une méthode d’évasion fiscale.



 

Google, Apple, Facebook et Amazon : fini de jouer ?

 

Par MC

La colère gronde. Depuis plusieurs années, les Gafa –les entreprises géantes du numérique – focalisent la fronde contre l’évasion fiscale. Malgré des revenus – et des bénéfices – mirobolants, ces multinationales ne paient que très peu d’impôts grâce à des montages financiers complexes. L’UE vient de déposer un projet de loi pour taxer davantage les Gafa sur son territoire.

Ils étaient plus d’une centaine de militants Attac, le 7 avril, à dénoncer l’évasion fiscale devant deux magasins Apple à Paris et à Aix-en-Provence ! Pourquoi choisir la pomme comme cible de leur action ? Tout simplement parce que c’est la première entreprise mondiale par sa capitalisation boursière : elle a dépassé les 800 milliards de dollars en 2017. Et que les journalistes de l’ICIJ ont révélé dans l’affaire des Paradise Papers qu’elle a accumulé au minimum 128 milliards de dollars de bénéfices non taxés dans des paradis fiscaux sur dix ans ! 

Mais Apple n’est pas la seule multinationale dans le viseur des ONG, de Bruxelles et de l’OCDE. Les Gafa en général, entendez les géants du net Google, Amazon, Facebook et donc Apple, ont un taux d’imposition effectif moyen de 9,5 %, contre 23,2 % pour des entreprises plus « traditionnelles », selon le site spécialisé L’Agefi.


© Pixabay

Taxer les revenus

Aussi, après plusieurs années d’actions à l’initiative de la Danoise Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence, Bruxelles passe vraiment à l’offensive. La Commission européenne a proposé, le 21 mars, une nouvelle taxe sur le chiffre d’affaires des géants du Net(dont Facebook, par ailleurs éclaboussé par un scandale sur la protection des données), sur fond de menace de guerre commerciale avec les États-Unis.

La Commission propose donc de taxer de 3  % une partie du chiffre d’affaires (et non les profits, comme le veut l’usage) de toutes les grandes entreprises du numérique. À savoir celles dont le chiffres d’affaires total dépasse les 750 millions d’euros et celles dont le chiffre d’affaires européen excède les 50 millions d’euros. Les petites start-up européennes qui peinent déjà à rivaliser avec les mastodontes américains ne seront pas concernées par cet impôt indirect.

Au total, entre 120 et 150 entreprises devraient être affectées par ce nouvel impôt : la moitié seront des américaines, un bon tiers européennes et le reste asiatiques, essentiellement chinoises, précise-t-on à la Commission. Cette taxe pourrait rapporter environ 5 milliards d’euros par an.

Localiser le chiffre d’affaires

Enfin, cette taxe serait prélevée par l’État où le revenu est gagné et non par l’État qui abrite le siège social du site (une technique classique des Gafa). Il s’agit d’établir un standard européen définissant la présence numérique des sociétés, pour mieux les imposer, à l’aide de trois critères : les revenus, le nombre d’utilisateurs et les contrats – publicitaires par exemple – signés avec une autre entreprise.

Reste à savoir si les grands pays de l’UE, dont la France, parviendront à convaincre les plus petits États tels que l’Irlande, les Pays-Bas, le Luxembourg ou Malte, connus pour leur fiscalité bénéfique vis-à-vis des entreprises. Dans l’Union en effet, toute réforme sur la fiscalité requiert l’unanimité des ministres des Finances.

 

Plus d’infos : Apple, le hold-up mondial, Attac, 2017

 


L’évasion fiscale concrètement : l’exemple du double irlandais

Extrait du Petit livre sur l’évasion fiscale publié par Attac

« Cette méthode a permis aux géants de l’informatique, dont Google, Facebook ou encore Microsoft, d’obtenir des taux d’imposition de l’ordre de 2 %. Elle repose sur l’utilisation de deux filiales localisées en Irlande (d’où le “double”), et profite d’une faille dans la réglementation fiscale irlandaise : une entreprise irlandaise contrôlée depuis un pays étranger dépend du droit fiscal de ce pays. Dans ce montage, une première filiale, résidente fiscale en Irlande, réalise les profits (vente de publicité pour Google, vente de musique pour Apple…). La maison mère transfère à une seconde filiale irlandaise, contrôlée depuis les Bermudes, les droits de propriété intellectuelle. La première filiale doit donc payer une redevance à la seconde pour l’usage de la marque. Cette redevance diminue artificiellement les bénéfices de la première filiale, et donc son imposition. Ce qui lui permet de bénéficier de taux d’imposition très faibles. La seconde filiale empoche quant à elle les redevances, et ne paie pas d’impôt conformément au droit fiscal des Bermudes. Le tour est joué !

Dans un montage plus complexe, on ajoute même un “sandwich” néerlandais au double irlandais : la redevance payée par la première à la seconde filiale passe par une troisième filiale aux Pays-Bas, ce qui permet de réduire encore l’imposition. »

À lire
Petit guide pour en finir avec l’évasion fiscale, Attac, 2017


INTERVIEW 

Will Fitzgibbon : « La confiance et la technologie sont primordiales »

Will Fitzgibbon est reporter au sein du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) depuis 2014. Ce collectif, basé à Washington, a révélé les SwissLeaks, les LuxLeaks, les Panama Papers et les Paradise Papers. Il nous explique leurs méthodes de travail collaboratif, pour révéler des affaires internationales ultra-sensibles, dans le plus grand secret.

Propos recueillis par VG


DR

Le journalisme collaboratif, tel que vous le pratiquez au sein de l’ICIJ, est inédit. Comment, très concrètement, faire travailler plusieurs centaines de journalistes du monde entier ensemble ?

L’ICIJ pratique ce genre de collaboration mondiale depuis des années. Mais c’est vrai que le modèle a atteint un nouveau statut avec nos récentes enquêtes. La recette du succès, si on peut le dire comme cela, réside tout d’abord dans la confiance. Les relations de confiance entre les journaliste sont essentielles. Un ou une seule journaliste qui fait une bêtise ou qui détourne le projet pour ses propres fins peut tout détruire. Il faut connaître en amont celles et ceux avec qui vous travaillez. La technologie est aussi primordiale pour faire travailler ensemble tous ces journalistes. Nous disposons de Global I-Hub, une plateforme de communication où chacun est appelé à partager ses découvertes, demander de l’aide, communiquer des annonces, etc. Sans cela, une collaboration de la taille de Panama Papers n’aurait pu avoir lieu.

Comment avez-vous réussi à garder le secret des enquêtes en cours. À enquêter sans être vus ? Plus il y a d’interlocuteurs plus cela semble difficile…

Dès le départ, on est très rigoureux en expliquant à tous nos partenaires que le projet, son contenu comme le timing, doivent rester secrets. À titre de rappel, on fait signer des NDA (« non-disclosure agreements », accords de confidentialité – NDLR). Mais un bon journaliste comprend facilement l’importance du secret. En plus, personne ne veut être celui ou celle qui fait s’effondrer tout un projet à cause d’un mot mal placé ! Pratiquement, chaque message et chaque communication doivent être encodés. Nous utilisons des outils de communication sécurisés, comme Signal ou GoToMeeting.

Comment sont financées ces enquêtes internationales ? 

Chaque organisation prend en charge son propre financement. L’ICIJ ne paie pas ses partenaires. Soit vous le faites par amour ou passion pour l’enquête, soit vous ne le faites pas. L’ICIJ est financé par des fondations en Europe et aux États-Unis. Nous avons de plus en plus de donateurs individuels qui croient à notre mission. Mais nous sommes toujours à la recherche de dons pour nous aider à continuer à mener nos enquêtes.

Plus d’infos : www.icij.org

 


INTERVIEW

Nicole Briend : « Le politique doit reprendre la main sur la finance »

Militante Attac et Faucheuse de chaise, Nicole Briend doit comparaître le 7 juin devant le tribunal de Carpentras (84) pour avoir« réquisitionné »des chaises dans une agence BNP Paribas en mars 2016 et refusé de donner ses empreintes ADN. 

Propos recueillis par JD


© JD

De ce procès, vous voulez faire celui de l'évasion fiscale… 

Oui le message est clair : depuis la crise, on nous dit et redit qu'il faut se serrer la ceinture. Or les différents scandales montrent que de l'argent, il y en a. Mais de véritables décisions politiques courageuses, qui viseraient à enrayer cette évasion fiscale, il n'y en a pas. 

Et dire stop à l'évasion fiscale ?

Garantissez l'indépendance rédactionnelle et financière de Sans transition !