LES CITOYENS NE MANQUENT PAS D’AIR !

Publié le lun 08/01/2018 - 17:23

Pics de pollution à répétition, impact sur la santé, chaque année en France, près de 48 000 personnes meurent de manière prématurée à cause de la pollution de l’air. Dans plusieurs villes, les initiatives citoyennes fleurissent pour rendre aux habitants la maîtrise de sa qualité. Mais quant à combattre le mal à la racine, la route s’annonce sinueuse.

Par Julien Dezécot et Virginie Jourdan


 

QUALITÉ DE L’AIR : à l’heure de l’action citoyenne

Face à la problématique montante de la pollution atmosphérique, des citoyens tentent de prendre la main sur un sujet longtemps réservé aux experts. De la prévention à la mesure en mode DIY (fais-le toi-même), les initiatives se multiplient en région.

Par JD et VJ

Capteur accroché à la fenêtre du local associatif et téléphone mobile dans la main, Anthony regarde les données évoluer sur l’écran de son smartphone. « Tiens ! Ce matin, nous sommes dans le rouge pour les particules fines. Pourtant, il pleut ! », s’étonne-t-il. Depuis quelques mois, ce jeune homme, bénévole dans une association de sensibilisation à l’environnement, s’est lancé dans une campagne de « mesure citoyenne » de la qualité de l’air. « Je prends des mesures 3 à 5 fois par semaine : sur la fenêtre du local associatif comme sur le balcon de mon appartement, ou bien de manière mobile lorsque je traverse la ville à vélo pour rejoindre l’université », précise l’étudiant en psychologie. Une fois son enregistrement effectué, Anthony envoie le fichier numérique vers une plateforme en ligne. Développée en « open source » (comme les logiciels libres), cette dernière analyse les données et permet à tous les curieux de venir découvrir les résultats, sous forme de carte géolocalisée sur un site web (www.aircasting.org). Membre de l’association d’éducation populaire et environnementaliste Ar Vuhez – qui signifie la vie en Breton –, Anthony n’est pas le seul à prendre la mesure de la pollution atmosphérique rennaise. Outre l’association officielle missionnée par l’État, Air Breizh, une cinquantaine de citoyens et une demie douzaine d’associations locales ont, depuis deux ans, parcouru les rues de la capitale bretonne avec des capteurs connectés. Objectif ? Traquer les polluants dégagés dans l’atmosphère et mieux connaître la pollution près de chez soi. Lancé en 2015 par un collectif de bidouilleurs impressionnés par les expérimentations citoyennes de capteurs menées à Barcelone, ce projet dorénavant nommé « Ambassad’Air » a transité dans les couloirs du Laboratoire de fabrication numérique rennais, avant d’être repéré par une élue municipale et mené à bien par la Maison de la consommation et de l’environnement, la MCE. « Pour le prêt des capteurs, nous avons donné la priorité à des habitants de trois quartiers populaires proches de la rocade, car ce sont eux les plus concernés par les pollutions », explique Jacques Le Letty, chargé de mission à la MCE. Dans leur kit ? Une petite station de mesure d’une dizaine de centimètres de large. Et un téléphone qui récupère les mesures en temps réel. En ce début d’année, une vingtaine de nouveaux volontaires démarrent les mesures de particules fines près de chez eux. Encore rare, l’initiative n’est pourtant pas unique en France.

DE RENNES À GRENOBLE

Dans l’Isère, une trentaine de Grenoblois ont achevé en juin une première campagne de mesures avec des capteurs identiques. Pendant 7 mois, ils ont enregistré les niveaux de particules fines inférieures à 2,5 microns au pied et à flanc de montagne. Une expérience jugée « encourageante » par Claire Chappaz, responsable innovation d’AtmoAura, l’agence officielle de mesure de la qualité de l’air en Auvergne et Rhône-Alpes, qui pilote l’action. « Entre les curieux, ceux qui sont personnellement concernés par un impact de la qualité de l’air et les technophiles, nous voulions surtout comprendre pourquoi ces personnes rejoignent un tel projet. Or, ce que nous retenons, c’est aussi que les mesures ont été effectuées avec énormément de rigueur », résume-t-elle. Un sérieux qui pourrait motiver les 18 consoeurs régionales à suivre le pas et répliquer l’expérience ? L’idée fait son chemin. Comme dans la région Occitanie. Pour l’heure, l’agence Atmo-Occitanie accompagne 30 à 60 volontaires sur les pollutions industrielles. Dotés d’un calepin, ces derniers font des mesures de « nez » quotidiennes à proximité de sites à risque, tels que l’étang de Thau ou l’usine de méthanisation Ametyst à Montpellier. Côté particules fines ou dioxyde d’azote, un projet de capteurs citoyens est maintenant inscrit dans leur agenda. « Mais nous ne l’avons pas encore mis en œuvre », confie Fabien Boutonnet, directeur délégué d’Atmo-Occitanie.

PROPULSEURS D’INNOVATION

Près de cinq fois moins chers qu’une station fixe mais moins précis, les micro-capteurs, avec ou sans citoyens, sont de plus en plus utilisés dans les agglomérations et métropoles. Comme à Marseille, où le Fab-Lab « in the air », qui souhaite clairement « faire avec les citoyens », accompagne l’Agence Air Paca. Ensemble, ils viennent de lancer une plateforme de données ouvertes baptisée « Plateforme J ». Grâce à cet outil digital – via un site web dont le nom était en cours de finalisation au moment de notre bouclage – « il devient possible pour tout un chacun, d’avoir accès aux données brutes récoltées par Air Paca », souligne Anne Berlancourt, co-fondatrice de ce Lab in the air. Et d’ici avril, le programme « sentinelles de l’air », dans l’esprit de ce qui s’opère à Rennes, proposera aux citoyens de participer au recueil des données sur l’air de la cité phocéenne. Une vingtaine de volontaires pourront utiliser les sacs à dos connectés dans leur quotidien (distribution de sacs qui affichent les données en direct et équipés de capteurs) et participer également à la réflexion avec Air Paca et le Lab.


Dès 2015, le projet AirCitizen de Paris a proposé à des citoyens de construire des stations mobiles vouées à mesurer les niveaux des polluants tels que le dioxyde d’azote, l’ozone, les particules et l’ammoniac. © AirCitizen, 2015

DES LIMITES À DÉPASSER

De quoi opposer les démarches citoyennes et officielles ? « Pas du tout », assure Malika Madelin, géographe et climatologue, enseignante-chercheuse à Paris-Diderot et membre du projet de capteurs citoyens Air Citizen à Paris. Pour elle, ces agences « mesurent la qualité de l’air de manière propre, rigoureuse et stable » et les deux démarches sont « complémentaires ». Car, reconnaît-elle, les outils à disposition des citoyens ne sont pas encore aussi « fiables » que ceux développés dans les agences. « Nos modèles sont puissants puisqu’ils enregistrent 1 valeur par seconde pour l’humidité, la chaleur, le bruit et les particules fines. La contrepartie : c’est qu’ils sont très gourmands en énergie ! La plupart d’entre eux ont une autonomie qui ne dépasse pas 10 heures », illustre ainsi le Rennais Jacques Le Letty. Côté géolocalisation des données captées, des progrès doivent encore être réalisés. « Elles peuvent être imprécises et nous travaillons à améliorer ce volet sur la version 2 de notre station 100 % libre Open Air », confirme Malika Madelin.

Autre limite, celui du comportement des citoyens capteurs eux-mêmes. Sur ce point, l’ensemble des acteurs qui ont mené des expérimentations se rejoignent : avoir un capteur dans les mains modifie souvent le comportement. « On peut avoir tendance à se rapprocher des sources de pollution par exemple », illustre Malika Madelin, avant de pointer l’effet « technologie » : « les personnes en restent parfois au stade de regarder le capteur sans se connecter en 3G, pour transférer et partager la donnée. Nous veillons donc à ce que l’aspect technologie ne prenne pas le pas sur la question de la qualité de l’air et son enjeu de santé publique. »

FABRICATION CITOYENNE

Un point de vue que défend également Jacques Le Letty. « Grâce aux capteurs citoyens, un sujet de santé publique sort enfin des mains d’une poignée d’experts. C’est une bonne chose », juge-t-il. D’autant que sur le sujet, le niveau de connaissance du public est selon lui « très bas ». Pour ce Rennais, les campagnes de mesures citoyennes permettent d’y remédier en faisant connaître les sites d’informations et « les bons gestes » à avoir en cas de pics de pollution. « Les micro-capteurs constituent aussi un levier important de sensibilisation du public, la mesure incite à l’action, à l’échelle individuelle, comme collective », renchérit Claire Chappaz, responsable innovation d’AtmoAura. À l’issue de l’expérience grenobloise, certains citoyens ont ainsi parlé de changer leur système de chauffage au bois. « Sur notre secteur, c’est vraiment l’automobile et les moyens de chauffage qui sont les principaux responsables de la pollution de fond. Il y a donc un levier à actionner sur les choix individuels. Ces campagnes permettent de lancer la machine », poursuit- elle.

Pionniers dans l’approche citoyenne, les équipes de Paris, Grenoble et Rennes ne manquent pas de projets. À Rennes, les mesures citoyennes pourraient bientôt être intégrées à des mesures fixes organisées par la métropole. À Grenoble, une captothèque devrait être mise en place d’ici un an, pour permettre à tout citoyen d’emprunter un capteur et de participer à la surveillance de la qualité de l’air « au plus près de chez lui ». À Paris, l’équipe d’universitaires et de makers d’Air Citizen devrait, dès 2018, lancer une nouvelle campagne de suivi, avec cette fois « des mesures à hauteur de poussette ou bien de bouche ». Au plus près des récepteurs en somme.

+ D’INFOS
www.wiki-rennes.fr/Ambassad%27Air
bit.ly/2AL5UiU
aircitizen.org
www.atmo-france.org


DES ASSOCIATIONS POUR SURVEILLER LA QUALITÉ DE L’AIR

En France, 19 associations surveillent une trentaine de polluants extérieurs pour le compte de l’État, tels que les particules fines, mais aussi le dioxyde d’azote, l’ammoniac ou l’ozone. Elles se concentrent sur les grandes agglomérations, les axes routiers puis les zones rurales. Le Asqaa, ces associations indépendantes de surveillance de la qualité de l’air atmosphérique, sont tributaires de financements qui varient selon les régions. Ces derniers proviennent en effet de dotations de l’État mais aussi des collectivités locales et d’une partie de la taxe générale sur les activités polluantes « air », versées par les industriels régionaux.


CHIFFRE

En 2016, 2 épisodes de pollution d’ampleur ont touché la France : du 24 au 27 août pour l’ozone et du 30 novembre au 31 décembre pour les particules.


INTERVIEW

Laurence Allard : « Les capteurs peuvent être une arme citoyenne »

En matière de bruit, de pollution atmosphérique ou intérieure, les capteurs peuvent aujourd’hui être fabriqués par les citoyens. Un outil puissant, mais pas une fin en soi, explique Laurence Allard, maître de conférence en sociologie des usages numériques à l’Ircav Paris III et Lille III et co-fondatrice du Labo citoyen.

Propos recueillis par VJ


© DR

Le Labo citoyen a développé le projet Capteurs citoyens. De quoi s’agit-il ?
Il vise à faire fabriquer, utiliser et interpréter des capteurs de la qualité de l’air, à l’échelle d’un village ou d’un quartier pour que les personnes soient plus sensibilisées à cette question. Certes il y a une technicité, mais avec un accompagnement cela reste accessible.

Vous évoquez la dualité entre consommateur capté et citoyen capteur. Qu’entendez-vous par là ?
Les micro-capteurs restent des boîtiers connectés. Ils captent des informations dans l’environnement et les renvoient quelque part, via un réseau. Ces capteurs pourraient très bien rester dans le champ commercial, dans le marché des objets connectés. Nous préférons y faire un hack (un piratage, une transformation, NDLR), pour que le citoyen ait la main sur les données qu’il produit. Et que cela lui soit profitable, notamment en terme de connaissance de son environnement.

Cette émergence des capteurs citoyens est très récente. Peut-elle durer ?
Oui. Les capteurs permettent aux personnes de mieux connaître l’air qu’elles respirent à proximité de chez eux. Elles n’ont plus de raison de s’en priver. Dans l’univers des makers, nous voulons mieux faire connaître l’état de la pollution. Nous pensons aussi que les capteurs sont un des moyens pour le faire, même s’ils n’apportent pas de solutions directes. Ils permettent déjà de mieux connaître le problème.

Y a-t-il un risque « technophile » dans ces projets ?
Pas s’il y a un accompagnement. Avec le Labo citoyen, nous faisons de la technologie inclusive. La plupart d’entre-nous sommes des scientifiques. Nous voulons que la science sorte des laboratoires car elle peut participer à la résolution de certains problèmes. Avec la révolution des outils numériques, les possibles sont presque infinis.

La technologie peut donc aussi donner du pouvoir au citoyen ?
S’il a les connaissances nécessaires, oui. Avec la technologie, le citoyen peut produire son information, en rester maître et la partager de manière collective. Cela peut être une arme citoyenne s’il maîtrise la fabrication de son outil et son développement.

+ D’INFOS
citoyenscapteurs.net


POLLUTION DE L’AIR : UN SUJET SOUS-ESTIMÉ ?

 

Encore peu connues du grand public, les conséquences de la qualité de l’air extérieure commencent à s’imposer comme un enjeu de santé publique. Mais la route n’est pas sans embûche.

Par VJ

Le rapport d’octobre 2017 de l’Agence européenne de l’environnement donne le ton. Même si elle recule par rapport à 2013, la mortalité liée à la pollution atmosphérique reste élevée et atteint 500 000 morts en Europe. Sur son tableau, la France arrive en 5e position derrière la Pologne, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Allemagne. Côté palmarès des produits, trois polluants inquiètent particulièrement. Les particules fines, principalement issues des combustions, de l’agriculture et des transports. Le dioxyde d’azote, qui émane majoritairement du chauffage bois et des véhicules à moteurs diesel. Et l’ozone, qui est produit dans l’atmosphère quand certains polluants rencontrent les rayons naturels du soleil. Dans l’Hexagone, près de 70 % de la population est exposée à ces pollutions. Si les régions du nord sont davantage exposées au dioxyde d’azote, la côte méditerranéenne est quant à elle touchée par des pollutions fréquentes à l’ozone.

UN CONSENSUS SCIENTIFIQUE

Début 2017, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) rappelait qu’en France le nombre de décès prématurés (avant 65 ans) liés à la qualité de l’air est estimé à 48 000. Soit dix fois plus que ceux liés aux accidents de la route. Déjà, en 2015, une étude publiée par l’Institut national de veille sanitaire montrait qu’une augmentation des concentrations de particules fines de 10 microgrammes par mètre cube d’air provoque une hausse de la mortalité de 1,30 % dans les jours qui suivent. « C’est l’équivalent d’un crash d’avion tous les deux jours, mais comme ce n’est pas spectaculaire, on en parle encore peu », juge Charlotte Marchandise, présidente

française du réseau des villes-santé de l’OMS. Limitation de la vitesse sur les rocades, interdiction de brûler des végétaux à l’air libre, l’État a pourtant pris des mesures. Depuis plusieurs mois, il a même placé les épandages et les pesticides dans son viseur. En 2018, une cinquantaine de stations Atmo vont suivre, dans l’Hexagone et l’Outre-Mer, 90 substances identifiées par l’Anses comme étant « présentes dans l’air ambiant » et « potentiellement dangereuses ». Parmi elles : le fipronil ou le glyphosate. « C’est une bonne nouvelle, se réjouit Charlotte Marchandise, aborder la question agricole était impensable il y a encore quelques années. »


© Prév’Air

ESSAI À TRANSFORMER

« Pas suffisant » pour Louis Cofflard, avocat et président de la section parisienne des Amis de la Terre. D’après lui, le sujet n’est pas pris à bras-le-corps. « Les seuils fixés pour déclencher une alerte aux particules PM10 sont deux fois plus élevés que ceux de l’OMS », illustre-t-il. Engagée sur le sujet, l’association a remporté une victoire en juillet dernier devant le Conseil d’État. Après plusieurs années de bataille, elle a fait annuler plusieurs plans régionaux de protection de l’atmosphère élaborés sous l’égide de l’État. Objectif : traiter des dépassements de dioxyde d’azote et de particules fines. « Ces plans ne planifiaient pas le respect des normes légales européennes, mais une simple amélioration », détaille Louis Cofflard. D’ici au 31 mars prochain, l’État doit, par la voix de ses préfectures, remettre une nouvelle copie pour douze territoires dont Marseille, Nice, Montpellier, Toulouse, Toulon, Grenoble et Paris. Contacté à plusieurs reprises, le ministère de la Transition écologique et solidaire n’a pas donné suite aux questions posées sur le sujet... Pesante atmosphère.

+ D’INFOS
www.villes-sante.com/thematiques/air-et-sante/
http://bit.ly/2AWV7mi
www.ademe.fr/pollution-lair-exterieur


AIR INTÉRIEUR : NOUVELLES OBLIGATIONS EN 2018

L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) identifie près de 600 substances potentiellement en suspension en intérieur, dont une trentaine à surveiller de près. Un enjeu de taille. Entre le logement, le travail et les loisirs, les Français passent entre 80 et 90% de leur temps en intérieur. Du côté de l’État, la réponse reste préventive. Courant 2018, surveiller la qualité de l’air devient obligatoire dans les crèches, les écoles maternelles et primaires. Elle devrait ensuite s’étendre à tous les lieux accueillant du public. Chaque année en France, l’Anses estime que le coût de la mauvaise qualité de l’air intérieur oscille entre 10 et 40 milliards d’euros.


INTERVIEW


Denis Charpin : « Il faut garder à l’esprit la hiérarchisation des risques »

Lors de la Journée méditerranéenne de l’Air organisée par Air Paca à Marseille en novembre dernier, Denis Charpin, pneumologue et allergologue à Aix-Marseille Université, évoquait l’effet cocktail des expositions.

Propos recueillis par JD


© DR

Qu’est-ce qui dégrade la qualité de l’air ?
La qualité de l’air peut être dégradée par de nombreuses sources : le trafic automobile, les chauffages, les brûlages dans les champs ou les feux de cheminée. Dans la dégradation de la qualité de l’air interviennent des gaz et surtout des particules. Et on sait que celles-ci sont d’autant plus agressives qu’elles sont fines car elles peuvent passer de l’alvéole des poumons vers le sang et donc être distribuées vers l’ensemble des organes.

Pouvez-vous nous détailler l’enjeu de la pollution maritime ?
Les bateaux brûlent du fioul lourd, très chargé en particules fines. Et ils continuent à le faire à quai. C’est une nuisance pour les passagers et l’équipage mais aussi pour les riverains.

Quels sont les risques sanitaires de cette exposition ?
On ne peut pas isoler un risque sanitaire lié à cette exposition seule. Il s’agit d’un cumul. Aujourd’hui on emploie un terme savant : « l’exposome ». Il s’agit de tout ce à quoi on a été exposé au cours de la vie. Cette contamination supplémentaire due aux bateaux est évitable, c’est pourquoi on s’y intéresse. Les effets sur la santé sont très proches de ceux du tabagisme. D’abord au niveau des voies respiratoires. La conséquence la plus grave, c’est le cancer des bronches, mais il y a aussi une maladie méconnue mais redoutable, la BPCO, autrefois appelée emphysème. C’est la destruction progressive des alvéoles pulmonaires. On sait aussi que ce type de pollution a un impact sur l’asthme et les maladies allergiques. L’exposition aux polluants a aussi un impact cardio-vasculaire majeur avec les troubles du rythme cardiaque, les atteintes des artères du cœur pouvant conduire à l’infarctus et l’insuffisance cardiaque. Enfin, on suspecte qu’elle peut avoir un rôle dans les maladies neuro-dégénératives comme Parkinson ou Alzheimer.

Il y a des populations à risque…
Oui, les enfants. C’est à cet âge-là que les alvéoles pulmonaires se multiplient. Les agressions ont donc des conséquences plus importantes. C’est aussi le cas chez les personnes âgées ou les malades respiratoires ou cardiaques dont les réserves respiratoires sont amoindries.

Que faire pour prévenir cet impact potentiel ?
D’abord au plan individuel, il faut éviter de s’exposer à d’autres agresseurs des voies respiratoires, comme au tabagisme actif et passif. Le public a accrédité l’idée que le pire des agresseurs des voies respiratoires est la pollution atmosphérique. Ce n’est pas du tout vrai, c’est d’abord le tabagisme, puis certaines expositions professionnelles. Ensuite vient la pollution atmosphérique. Il faut bien garder à l’esprit la hiérarchisation des risques, sinon cela abouti à des conduites irrationnelles. En dehors de ce que peut faire l’individu, c’est surtout la collectivité qui doit agir.

Garantissez l'indépendance rédactionnelle et financière de Sans transition !