Tribune - Les bancs de maërl bretons, parmi les plus importants d’Europe, doivent d’urgence être préservés

Publié le jeu 01/12/2016 - 10:59

Par Bretagne Vivante

En rade de Brest, la pêche à la praire menace les fonds marins, et pourrait compromettre le renouvellement des stocks de coquilles Saint-Jacques. 

Saviez-vous que ce sont plus de 900 espèces d’invertébrés et 150 espèces d’algues qui ont été recensées sur le maërl, un écosystème marin constitué d’accumulations d'algues calcaires rouges corallinacées et typique des côtes de Bretagne ? Ce qui fait de cet écosystème un réservoir essentiel de biodiversité maritime. Pourtant, dans notre région, le maërl, est actuellement en danger, et notamment en rade de Brest. Que faire pour le protéger ?

Les bancs de maërl fournissent une très large gamme de microhabitats abritant une faune et une flore très élevées. De plus, ils constituent une zone de nurserie pour des espèces commercialement exploitées (coquille Saint-Jacques, pétoncles, palourdes, praires) et les jeunes poissons (bar, dorade, lieu, rouget…).

Les bancs de maërl français sont situés sur la façade Manche Atlantique, essentiellement en Bretagne, entre Noirmoutier et la presqu’île du Cotentin. Parmi eux figurent certains des bancs les plus étendus d’Europe (Rade de Brest, Belle-Ile, baie de Saint Brieuc), couvrant plusieurs dizaines de kilomètres carrés.

Le problème, c’est que les activités humaines menacent le bon état de ces bancs de maërl. Extraction, eutrophisation, espèces invasives introduites par l’homme, pêche aux engins trainants : toutes ces perturbations dégradent les fonctions écologiques remplies par le maërl et en particulier son rôle de nurserie (voir encadré ci-dessous).

Récemment, en rade de Brest, les bancs de maërl ont fait l’objet d’une très forte pression de pêche à la praire. En effet, depuis 2004, la pêche à la coquille Saint-Jacques a été régulièrement fermée suite au développement de phytoplancton toxique. Les pêcheurs se sont trouvés contraints de reporter l’essentiel de leur effort de pêche sur les gisements de praires de la rade. Ce bivalve vit enfoui au sein des sédiments grossiers dont les bancs de maërl. Des études menées par l’Université de Brest ont montré qu’une partie significative des bancs de maërl de la rade de Brest ont vu leur état se dégrader fortement depuis 2004, sous la pression des dragues à praires. Or, sans maërl vivant, le renouvellement des stocks de coquilles Saint-Jacques (et de pétoncles noirs) s’effondre. La forte pression de pêche aux praires a donc pour effet de diminuer les ressources futures de cette espèce qui a un intérêt économique bien plus élevé que la praire. Or ce sont les mêmes professionnels qui exploitent les praires et les coquilles Saint-Jacques…

Les blooms de phytoplancton toxiques sont dus aux déséquilibres de l’eau de mer, surchargée en azote. La présence de ces blooms toxiques entraînent l’interdiction de la pêche à la coquille Saint-Jacques, déclenchant celle de la praire qui détruit le maërl. On voit ainsi qu’il s’agit encore une fois d’un impact indirect des effets de l’agriculture industrielle. D’où la nécessité de continuer à lutter en amont contre les épandages.

Il est regrettable que l’état de conservation d’un habitat fragile, dont le rôle est essentiel au fonctionnement des écosystèmes côtiers, puisse voir son état de conservation dégradé à ce point et sur une telle surface (environ 10 km²), au cœur d’une zone Natura 2000.

Il est désormais urgent de mettre en place un plan d’exploitation modérée des bancs de praires en rade de Brest, qui épargnerait les bancs où le maërl est encore vivant et permettrait une activité coquillière plus durable. Il semble possible de maintenir à la fois une activité économique de pêche coquillière viable et une bonne conservation des bancs de maërl.

Bretagne Vivante appelle à la mise en place rapide d’une gestion basée sur une exploitation des bancs de maërl vivant, quasi exclusivement pour les pétoncles noirs et les coquilles, tandis que l’exploitation des praires se cantonnerait aux autres types de sédiments. La dégradation récente du maërl est très rapide, et la croissance naturelle du maërl extrêmement faible :  si rien n’est fait, les pertes massives constatées ces dernières années ne pourront plus être compensées.

Jean-Luc Toullec,

Président de Bretagne Vivante

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